mardi 20 mars 2012

Le printemps


La fuite du temps et la baie vitrée qui vole en éclats – Fugit irreparabile tempus. Éclats irreparabile pleins d's, bouts de verre fichés dans la peau fanée, Virgile sans tain. Les rues en bas noyées de monde traînent leur nonchalance sans nom. Vos cinq produits à prix amis, déliés dingues, placards publicitaires en chaque recoin d'âme. Les trains de banlieue glissent sur des rails diamantés, chemin tracé d'un au-delà meilleur. Le blocus des péages, ménages monospaces Androïd. Mais descendre la dune en courant, qui sait encore ? Un pas lancé qui en fait mille, qui sait ? Photomaton de vies plaquées, sièges d'aérogare, on dirait 2001, bijou pop kitsch, lèvres mauve pailleté, costard chouchou, verseau ascendant balance cherche twitte. Solitude.


 

Eh ! t'as vu le musicien, guitare à l'épaule, j'adore Monet, ses jardins et gloriettes, cours lentillés, là-haut le cosmos, Sa voie lactée dans son écrin lunaire. Des ocres comme s'il en pleuvait, des cascades d’Écosse, le Pérou, des zooms à la pelle jusqu'à la cime des douglas. Éclats de verrière ! L'âme absconse de souvenirs vivaces déterre des parterres de fleurs qu'on attendait plus, intarissables bulbes et l'heure d'été qui avive le retour de ses grues. Y a pas de chanson, juste un refrain. C'était l'imparfait de nos jours, ces vieux dallages de ferme, un ruban bleu Regards. Tout ça dans l'avers de mes quinze ans, trésor enfoui que vous n'aurez pas. Elle disait des phrasés de titi et Marielle faisait le mariole à Pont-Aven. Indicible Saint-Maur en palets bretons fondants. Même le moine ne saurait oublier Dieu dans le puits de ses yeux. Le chantre invente et vante son poil, doux ronron au coin du feu, chaud, chahut devant ! Qui croire ? Qui voir ? C'est un afflux de bazar, pacotilles brindilles. Mille morceaux, infaisable puzzle, ces bouts de verre rafistolés raplapla, et cette cathédrale aussi vite érigée pleine flèche, dard. Repartir cap au sud, ciel deltaïque pur. Imbrications à l'envi : ici quelques crocus, là le dais, dentelle et broderie, canevas.

Tandis qu'en bas Peau piquetée, cheveux épars, orbites cadavériques, pantin démembré en attente de magnétiseur, chimio dans l'air. Et le verbe. Commencement de la Fin, le verbe orbital et la Terre à ses pieds. Un satellite déploie ses ailes voltaïques d'où s'échappent les mots assidus comme les amants de Folon, ribambelle de confettis se déversant sur le char de la reine. Le poète s'élève aussi vite qu'il sombre, c'est une ombre, un mensonge, un aveu, un vœu Ce qu'il veut Libre paumé des plateaux d'Atacama au fin fond de son horizon, des joncs se frottent en sons silence. À portée de pause et de do-si-la-sol Soupir. Whitehorse de belle saison. Il aboute les boutes et cingle sa voile épique. Faseye ma belle, tout de bord !

Lézarde printemps crocodile des mêmes peaux tannées waiting for sun. La terre honore. C'est la sarabande sonore des haies à l'herbe vraiment verte. Oui, ça pète, fouette Cocher Plaines Chemins d'aplomb patapon. Les buissons naissent d'un rien, d'un claquement de doigt l'orchestre meut ses cuivres timbales magistrales. Millet renoue les mains de sa paysannerie, fond de clocher recueilli, le ciel étale son chant. Les enfants crient, les airs s'adonnent à leurs soudaines présences, meute assoiffée. Canne, brouillard montant, signe de beau temps, faconde ancestrale du petit vieux sorti de sous sa pierre d'hiver. 2012 est bien là, fidèle sans fiel, fâcheries de froidure si vite oubliées que s'ouvre grand l'éventail du théâtre. Jadis les ladies se gantaient et tournaient l'ombrelle. Jadis du tempus où la petite parigote rigolote pédalait garçon manqué, j'étais Butch et Tati farceur. Vous ai-je parlé de roses, boutons, brassées embrassées entre les feuilles des gros livres (Catalogue de graines, plantations tentation, les mains dans l'humus façon Willemse) ? Brume à point nommé ? Des ans passés ?


 

Les charpentiers s'attèlent à la tâche, les scieries rabotent à plein. Te voilà bec cloué, hirondelle sur un fil à écouter ton Concerto grosso quatre tiers Haendel déploie ses ailes Florence fredonne Que dire de Venise ? Oh, ma Douce, quête hautbois, masque carnavalesque, c'est la grande fontaine d'abondance ! Fa tourneboule, aujourd'hui rien n'est mineur. Seurat pointille, on dirait des chaussons de petits rats. Ramène tout à Toi, ratisse large, vaste soudain le monde par-delà les thuyas, laboure ton estampe japonaise, rends-toi Fuji cône. C'est du Canaletto dans le texte, te dis-je ! Imagine les myriades de colombes de la place Saint-Marc, guette leur envol, prends chaque aile sous ton bras, décolle. Trempe ton doigt dans le ru frais, Pavane Fauré au jardin de Pagnol. C'est tout Porquerolles qui roule sous l'or de ses boqueteaux d'alep, Porquerolles échevelé, au parquet ciré le ciel s'étire long dans l'entrée, le jour s'assoit sur ses vagues coussins de fétuques, prend la pause, passe à autre chose. Ondoiement d'un rien tu blanchis comme la corde d'un violon, Stradivarius en trails de longs courriers, lève les yeux, c'est plein de bleu, cœur en feu. Maître Cornille au moulin de Fontvieille sonne ses garennes, Daudet plume ses lettres, Rosa fait son bonheur aux sonnailles de ses bœufs, Giono sème ses regains de pluie, gelée pas fière, psttt ! comme on souffle un pissenlit. Jaune bouton d'or, monsieur Pivert. Les lampadaires sont éteints, les volets déboutonnent leurs gueules enfarinées, les dames se dévêtent robe longue ceint légère, transfiguration du Christ sur la montagne Blanc plus que la neige, mais les névés ont coulé jusqu'aux moraines. Réchauffement de but en blanc, à tout prendre et ne rien laisser, tables dressées sous des portiques fumants.


 

Elle, elle s'étend sur sa méridienne, little Bouddha, un miroir renvoie le sein de l'Acropole. J'aime tout en elle, lèvres frémissantes, pensive elle sourit, tourne la tête, la porte s'ouvre, elle ferme les yeux. Petite souris, une baleine sort des flots, un enfant les billes écarquillées happe le monde, contre-jour à la fenêtre. Mais il n'y a plus de fenêtre, tout a volé en éclats. Le chœur emplit chaque corolle, infime bourgeon sous les cataractes abreuvées, ça colle aux sabots. Féconde en tout lieu et même sous la pierre du banc dans le lierre de ses ans, mains calleuses sur canne. Battement de cœur comme une batterie, la rythmique s'accorde au siècle renouvelé. On voit des convois de malades en fauteuil, ils ramperaient s'il le fallait, asticotent la terre, l'égrènent en main, ils en mangeraient. Shoote dans les basques des bises ! les trottoirs avaient l'air tellement moches sous les pas heurtés des passants renfrognés. Vois ce qu'il en est. Et ça ne durera pas, les peaux se fripent comme de vieilles nippes. Juillet viendra brûlera. C'est le boogie wonderland made in fairetale ! Tapis rouge, défilé de mode, soundtrack plein pot sur ta Toscane, talons hauts, pluie de ballons. Ça sent l'Irlande, fuyons de vallons en fripons, cueillons jonquilles vétilles.

Vois le printemps armer ses dents de loup ! Braveheart livre bataille sous le kilt des filles, tartans moqueurs, merle des haies, fouine et s'immisce dans l’entrelacs des chèvrefeuilles torturés de flagrance poivrées. Volubilis. Les hommes bras de chemise ventriculent la terre, tendent cordeau et taillent dans le vif. Vasarely croque chaque once de motifs révélateurs, tracés Nazca hors de portée du vieux monsieur déambulant bedaine tout sourire et bonnet sur le crâne, culotte de velours ample de trop. Une jeune femme pousse landau, le croise à la croisée de chemins qui s'ignorent – plus personne ne dit landau. L'azur réplique ses sillons cependant que des lits alignés aux stores entrouverts la gente vieillarde se plaît à haïr le printemps et tout ce qui bouge. Ils ne guettent ni ne veillent, larmes fondues dans des souvenirs hiverneux, tandis que la pluie les confortent. Mais ils maudissent la pluie bigote et l'herbe gonflée. Leur saison défile en cliquetis de grande aiguille, unique. Quelques miettes pour moineau déplumé. Lacis de balcon : aller retour envol. À cent lieues des miniatures d'Eyck, de la flamboyance d'un Taddeo di Bartolo, du coussin oriental où gît sa tête. Mur vert, aiguille rouge, tomate défraîchie.


 

Tantôt miel, tantôt rocher, il faut être une corneille pour bâiller en se laissant porter par les courants. Presque un jeu d'enfant quand on sait qu'une vigne pampre ses treilles quelque part sous ses tonnelles et que le printemps bat la campagne de province en Élysée. Les chaumes fument d'une espérance toute neuve, j'éteins la chaudière, mon petit écureuil me dit que les oies ne s'y sont pas trompées. Crayons de couleurs et cahier d'écolier où trône le chant d'un bouvreuil aussi taché du bout des doigts que les inénarrables carreaux bleus. Elle passe sous mes yeux, fend la foule. Tu peux pas savoir ! Rien sur terre, absolument, n'attise et ne retient plus mes sens que sa propre douceur sucrée. Des envies de Marquises en Tiger-Moth canari à copier le coller de goélands fous. J'ai la vieillerie de printemps, promeneur solitaire suranné de Voltaire coursant Rousseau. Ridicule iris dans les siens. Piqué de rouge-gorge, brave Stearman en rase-mottes, froissis d'herbe, le chef conduit baguette main droite coulée entre deux giboulées. A white shade of pale, fandango, ne plus toucher Terre. Éclore tout simplement Caruso.


 

vendredi 9 mars 2012

Le vent

Le poète, en tout lieu, suspend ses envies puisqu'il les vit. Il vit celle que l'étoile auréole de ses pas de lune. Je joue, je dis, je vis, vous me manquez. Vous manquez à mes pas, vos pas de lune. Là-haut. Trop haut. Si haut que j'ai fui, j'ai fui le cheval ailé qui s'en allait, comme on vole de haies en haie. Par-delà les raccourcis. Il fallait, il le fallait, parce que mon âme est mon sang. Une sans un. Amie où je me réfugie quand. Quand plus rien n'appartient qu'aux blés fous du vent. Le vent des collines adossées à ton regard. Je nie ma mie. C'est pâlot comme un falot d'espoir sur la barque à flots. Jaillissent des gerbes de lumières et la lumière soudain emporte tout. C'est tout cela, cela que le monde ne sera jamais. L'ultime brèche que l'aigle atteint depuis la couvée de ses petits au nid. Il fallut aussi que ce fût un nid. Comme à chat perché dans la bruyère perlière, à perdre haleine, comme un faon court. Tout court. Tiens, prends la ramure sur tes épaules, charge ton bât muletier, hirondelle, verte s'il me plaît, courbe d'un ruisseau sur tes reins. Je chois. Je chois d'un rien par-dessus bord. Vaisseau emporté par ses fantômes. Vogue petit navire, navire et chavire. Comptine et chants d'été pour. À toi, toi, tout conter. Les contes sous les cartes, la carte du paisible et de la soif. La carte vierge au mur épinglée. La carte cinglée sous les vents de ton Paradou. Doux Paradou, Ange mélodie. Lys Lis Les mots Les poètes s'accrochent au vent, tous les vents, l'Himalaya, temple et stûpas. Stupeur d'un simple songe. Ne plus se réveiller. Conter, ne plus conter. Souffle. Souffle où il veut.
I am not the master of my fate
I am not the captain of my soul
Siège s'il en fut qu'Henley ne produisît jamais. Là, les champs s'ouvrent sur Elyse, une robe flotte au vent, une mare pailletée, une bondrée, un hibou endormi, et la rivière Désirée dans son coin reclus – À la barbe du violoncelle des blés ; transperce le cœur d'un Christ sous la lance du soleil. Tous les prénoms, tous les âges. L'enfant chante son chœur et le cœur inonde la prairie. C'est un frisson, une onde, l'onde féconde jetée dans l'iris : Éclabousse, et rire. Éclabousse, et rire, l'onde. Ronde. Comme une friandise attise ses anges, mi-démons, mi démis. Tu. Tu sans lien, sans train, sans mien. Triptyque du rien, fait rien. Il parle et ce qu'il dit signe l'au-delà de ses traits, trait de plume. Poitrine.
No importa si el viento me atormenta sin ninguna razón, oy soy tú.
Chambre, fenêtre avec vue sur cour. La cour. Le paon. Celui qui dit Léon à sa belle. Bossa nova, cuivres et balais, murmure, à peine un murmure. Chuchotis de garnements. Suspension, trois petits points ploc-ploc-ploc. Les platanes de la place et le tilleul des cours, cours et récré des cris. Tout remonte, bulles à la surface. Risée qui frisotte et se propage, fil de l'eau, émerveillement. Un pêcheur en bob bigarré, coin de tableau. Et Lelouch qui dit moteur. Comment peut-on ? Distribution, Hollywood, star à l'acte. J'ai déjà vu cette scène. Bruce entrebâille sa chemise, blessure (et la sciure qui recouvre la piste numéro fini). Noir&Blanc, panavision, mille scènes et une. Quart d'heure de gloire quand la porte s'entrouvre et qu'apparaît celle. Pourras-tu l'amie ? Donneras-tu ? Apostrophe et cause, cause entendue n'y croit. Les lustres arrondissent les angles, friselis clinquants, montée d'escalier, marbre encore plus étincelant qu'une boule de cristal. Sonde l'insondable aux pieux tréfonds, vieux comme le monde. Tout comme toi. Poe qui n'en avait et s'en croyait Raven d'Usher, ravi en tout. Colin-maillard, facteur et farandole volètent au vent. Entend. Entend la ronde des ados en cercle, mouchoir (Larmes, non pas de larmes, efface et recommence). Tourne, tourne facteur cheveux au vent, rires étourdis. J'ai vu les nuages ambrer ma fenêtre, trouver refuge en des formes informes et reformer le cœur, s'évanouir en vestige de vapeur comme un ciel étiré d'azur. D'azur et or, armes destroyères, cavalier, chevalier servant à vos pieds madame de pieds en cape, révérence lente, la reine, baiser ses pas, pas de lune, baiser la poussière, l'onde claire aussi saupoudrée qu'un sablier au bord de la mer. Ressac, lent ressac. Paix. Les bateaux dans le lointain, ramure sur tes épaules, et moi je plisse les yeux, aveugle d'espace par-delà l'Océan. Taffetas broché, robe bustier, ivoire sous le pli, froissements d'étoffe sous le rapt d'une image qui passe et frôle, jeu de rôle, cortège et dames caméristes inclinées par tant de grâce. Trône festonné comme un ciel damassé où s'abrite la soie brune de ses mèches. Amples et de grâce De grâce madame Fit-il, Perceval désarçonné Tes yeux, roulement de tambour, batterie, fanfaronne et tourbillonne, tintamarre chamarre l'orage qui gronde et tempête furie furieuse chamboulement. Un mur qui s'écroule déboule Rolling Stone LSD Hiroshima mach 6 déflagration :
I am not a Berliner
I am a poor lonesome
Pauvre ère errant à vos pieds n'osant disposer du moindre regard. Lancelot ne doit. De lune et de Grâce madame. Je ne viens point ici par de jalouses larmes Vous envier un cœur qui se rend à vos charmes. Andromaque se déroba-t-elle qu'il ne vient à nulle ambassade de quérir plus avant. Tout juste se retire-t-on sur la pointe des pieds, stylet dans les méandres de sa craie. Ardoise buissonnière. Écrire, effacer, gribouiller, éponger, récitation d'écoliers Maîtresse dans sa pièce. Le livret ouvert, il récite, il répète planches foulées d'allers-retours. Pas en rien perdus, cerf assoiffé, l'étang s'étend craquant au fil de sa glace dentelée, quelque chose d'extrêmement ouvré. Métier à tisser du ver à soie à l'aune de tes pas, fragile macrovision d'une goutte d'eau emplissant tout l'univers. L'avers des mûriers frissonnant au vent, là-bas la prairie, les blés, ricochets dans l'eau de la mare : tout se tient Tient comme un DC3 sur ses ailes chevrotantes, trous d'air et creux marins, pas le pied garçon, moussaillon ! Un piano, trois accords, et badaboum. Vieille survivance qu'on se refile d'âge en âge, quenouille effilée, premier de cordée vertige vertigo. Oups ! Mais vous n'appartenez qu'à vous Belle Montagne. Pic Cap ; vu et revu. Passez, Gente Reine. L'arène soulève ses ors, les gladiateurs, tiens donc, les gladiateurs éternuent aux nues affamées de clameurs.

Le vieil homme essuie ses pieds sur le paillasson de sa maison. Ses yeux, s'il faut les voir ce sont dans ceux du chien assis à ses pieds ne perdant aucun de ses gestes qu'il faut les chercher. L'homme retire ses bottes, la porte joint mal, la pierre est usée. L'âtre pousse ses cendres froides. Il ne connaît rien de Giono, Virgile ou de l'Aeneidos, ni des bouchons en Tarentaise. Il connut cela, si loin, si longtemps. Ovide s'en est allé, baluchon sur l'épaule. Suis les rails, tunnels et vies vite oubliées.
Scientes quoniam maius indicium sumitis (Jacques 3, 1)
Tel le vent qui n'est jamais le même mais demeure, caresse la Montagne, gente Dame, voilette muette, brassée de brise Chut