mardi 23 novembre 2010

Porn diaries

Journal au noir
d'un fou des Galapagos



Salmigondis : c'est le mot qui me vient, comme trépan des âmes grises, heures sombres à broyer du cul dans le luxe d'un écran jamais trop grand, jamais trop baveux ; écœurement dépassé. Absurdité.
Quelques temps auparavant, le mec se présente au vendeur, demande plus amples détails sur la machine, sur ses capacités, son pouvoir d'intrusion. Accès direct et toute une batterie d'encodages sans frontières. Sa machine à jouir, sa trayeuse à sperme encore plus performante que la précédente, et son disque externe de 400 gigaoctets offerts pour un euro de plus, tout ça lui va comme un gant sans capote. Allez, en quatre fois sans frais et la carte qui va avec, enlevé c'est pesé.

Salmigondis, aussi peu ragoutants que ces vulves offertes, elles, à tous le vents. Du gros gros dégueulasse dont on n'avait même pas idée. Pire qu'en leur temps les gargouilles des cathédrales, offertoires de la pensée la plus obscure, à cent lieues des vieux cinés d'autrefois où de pieux messieurs en érection s'offraient plans jaculatoires et ahans feints. À cent lieues de l'establishment le plus endurci, c'est dire.

À la lueur d'aucune lampe, dans l'office vaginal le plus complet, l'affaire faite, la machine referme son couvercle sur les terres ensevelies de la grande fracture.
Plus rien ne paraît en surface. Croissent même quelques fleurs, perce-neige et crocus d'aloi, cela va sans dire. Un peu de flocage, beaucoup de paraître, une verdure boutonneuse pour donner le change. Enfin presque. Il est toujours ici et là quelques crevées, sorte de déjections bouseuses aux coulées incertaines.
En ces antres putassières, la femme n'est plus l'être chéri, ce trait de voix qu'un fond de gorge retient d'émotions, cette immensité concentrée dans un grain de big-bang, ces yeux magnifiques qui donnent la vie. La femme n'est plus. N'apparaît-elle pas qu'elle se délite dans l'instantanée vision gélatineuse des porn diaries. C'est pire qu'une grossièreté, bien pire qu'une grivoiserie. C'est le XXL de l'infamie.

De tout temps, l'homme s'est donné le bon rôle : son éjaculation revêt l'aspect d'un tir de barrage, quelque chose de guerrier, l'écho d'une suprématie. Ce qu'on appelle le code entre mâles, certes. Les rires des comités restreints croisés au coin des rues, aux terrasses des bistrots, aux aires de pause café, c'est souvent cela. Et plus le travail est ressenti comme pénible, plus l'exutoire exulte. Y verrait-on le réflexe d'une poussée d'Archimède inversement proportionnelle à l'exigence de survie qu'on ne serait pas loin.
Peut-on pour autant passer sa vie à affranchir ses noirceurs au chapitre des confessions entre copains, que cela reviendrait sans doute à demander à quelque serial killer de disséquer le mécanisme de ses horreurs, à Tchernobyl de lever le voile de son dôme. Garde cela pour toi, l'ami, et ne fais chier personne. Laisse-moi te parler d'amour, de déception, d'enfermement si tu veux. Laisse-moi conter fleurette aux fleurs bleues affleurant à fleur de peau. Laisse-moi ouvrir la fenêtre et aérer.

Et puis l'amour d'un père ou d'un fils ou d'une enfant, Grande Bleue à perte de vue, ou champ de blés livrés aux tourbillons imparfaits de la gaucherie. L'amour aussi qui s'en revient de la grande souffrance, de la vérité crue, cent fois remise sur le métier. Qu'est-ce qu'un verre, un écran brisé ? Une faillite de plus, et alors ? Fous-moi tout ça à la poubelle, et revient-en fourbir de fourmis entre les doigts, de frissonnements vivants. Il n'est pas de donneur de leçon qui ne tienne, il n'est pas non plus de cul-de-basse-fosse disculpant de s'y traîner, prends seulement la plus pitoyable haie qui soit, couvre-la d'épines, de ronces, d'orties et mets-y un pinson ou un vieux piaf.
Sens comme ça vibre dans les vibrisses du lièvre qui lève sa bécasse. Prends un bon bol d'air, mais pas la bonne femme dans tout l'insensé des vilénies jamais satisfaites.
C'est cela que j'emmènerais sur une île déserte : l'amour et la vie. Il ne me viendrait en aucun cas l'idée d'accroître quelque détresse que ce soit par celle droit sortie de psychés malades.

Le sperme est la chance de ta vie. Sans lui, l'amour ne serait pas, toi même ne serais pas, l'humanité disparaîtrait. Il est un, indivisible et non corrompu, fruit exclusif de ce que ton cerveau lui donne d'être. Il n'y a pas d'un côté la blancheur plus blanche que la colombe et de l'autre son contraire.
Deux histoires pour finir.
Un jour, il prit à un grand navigateur de tester ce qui allait devenir le radeau de survie qui équipe aujourd'hui toute embarcation. Au milieu de l'Atlantique, son canot pneumatique reçut la visite d'un espadon qui creva l'un des boudins. Le docteur Alain Bombard – courageux naufragé volontaire, puisqu'il s'agit de lui – décida de colmater la brèche. Mais s'il avait bien de quoi faire une rustine, il n'avait pas de quoi la coller. Il fit usage de son sperme et put achever sa traversée.
Pareillement, sous nos contrées, il y a peu de chance qu'en t'approchant d'un arbre aucun oiseau ne s'envole aussitôt. L'espèce ayant assimilé dans ses gènes le danger qu'il pouvait y avoir à côtoyer la nôtre. Dès lors que l'on transpose la scène sur les îles Galapagos, la frégate, le fou, le moqueur ou le gravelot ne s'effraient pas et continuent leurs becquées comme si de rien était.


L'homme et le moqueur des Galapagos © portal.unesco.org

L'oiseau, c'est la femme ; la rustine, l'exception.

*

Quelques chiffres
En 2006, l'industrie pornographique mondiale a généré un chiffre d'affaires de 57 milliards de dollars, dont 12 [1] pour les seuls États-Unis (deux fois mieux que ABC, CBS et NBC réunis). Là-bas, et plus précisément à San Fernando, la Pink Valley californienne, il est créé 260 sites pornos par jour.
En 2010 [2] :
24.644.172 sites pornographiques recensés sur le Web, soit 12% de représentativité
Chaque seconde sur Terre, sur les 28.256 visiteurs, 3.075 $ sont dépensés dans le porno
2,5 milliards d'emails à caractère pornographiques sont échangés quotidiennement
25% de l'ensemble des recherches concernent la pornographie (68 millions de recherches par jour, dont 111.600 concernent la pornographie infantile)
35% des téléchargements concernent la pornographie
10% des visiteurs réguliers masculins avouent être « cyberporno-dépendants » et 13% de femmes disent mater des sites porno au boulot...
And so on.

[1]
agoravox.fr (3 milliards de dollars de chiffre d'affaires relevant de la pornographie infantile)
[2] onlinemba.com

jeudi 18 novembre 2010

Un temps pour tout

Quand on lance une recherche pour le mot « temps » sur internet, on tombe sur une série d'articles concernant un journal suisse. Après tout pourquoi pas ? Tenir le régional du jour entre ses mains, c'est un peu avoir gain de cause du passé le plus récent (la veille le plus souvent) et l'impression d'entretenir avec l'avenir les liens étroits de la complicité.
… Mais aussi quelle idée de s'essayer au temps quand il y a tant de feuilles mortes à ramasser ? – Sais pas. Certainement le moyen futile d'outrepasser les frontières d'un vol libre, de prendre à partie l'impalpable des choses et se dire qu'il n'est rien qui ne soit impossible de disséquer sur la paillasse de ses errements. En aurais-je pour autant de l'orgueil que l'humilité de ne savoir par où commencer suffit amplement à me filer le vertige. Et puis, le parapente est large.


La condition humaine, Magritte (1935)

Vol libre
Le temps, un support tellement vaste que Wikipédia hésite d'entrée de jeu à plonger dans ses arcanes, vague sentiment de fuite.
Ainsi commence l'article :
« Le temps est un concept développé par l'être humain pour appréhender le changement dans le monde. »
S'interrogeant aussitôt après :
« Est-ce une propriété fondamentale de notre univers, ou plus simplement le produit de notre observation intellectuelle, de notre perception ? »
Se trouve donc immédiatement posée la question du poltergeist que nous côtoyons à longueur de journée : on ne sait pas ce qu'il est mais on a de cesse d'ouvrir ses portes. À Wiki donc d'entrebâiller les siennes ; à bibi, non pas le culot de franchir le gué plus vite et plus loin qu'aucun encyclopédiste, à tout le moins de jouer les équilibristes sur premiers pavés.
Un peu comme Robin des Bois défia Petit Jean et finalement ramassa sa raclée.

Le temps perçu
En fait, une seule consonne nous sépare irrémédiablement du temps perçu au temps perdu.
« Un jour qui s'en va, c'est un peu, toute proportion gardée, un parent qui disparaît et qu'on regrette de ne pas voir connu de près », comme le dit si bien Yasmina Khadra [1].
Pas besoin, non plus, de sortir de Saint-Cyr pour comprendre toute la difficulté qu'il y a à saisir l'insaisissable : le temps est un anti-quark qui n'est pas sitôt détecté qu'il s'évanouit. Pire qu'une savonnette.
Aussi loin qu'on puisse remonter la piste du temps, sa présence subtile et son autorité planent au-dessus des êtres. Il semblerait que les éléments physiologiques par lesquelles nous le percevons devaient exister chez les animaux bien avant la venue des premiers hominins. Le processus selon lequel l'alternance des jours et des nuits, et plus encore celui de la survie, procurait vraisemblablement, tant au protozoaire qu'à l'amibe ou au dinosaure des notions de faiblesse, de force et de déclin. Les bases sont ainsi formées que l'écoulement même du temps présuppose une exaptation, sorte de pré-adaptation axiomatique orchestrée dès l'origine. On pourrait dire plus simplement : c'est comme ça et pas autrement. Si volatile qu'il soit, le temps est une réponse au morcellement parfois heurté de toute vie : l'arbre, la pierre, l'enfant homo erectus, le gecko, la dune, le noyau.
L'exaptation si chère à Stephen Jay Gould [2] peut, et doit être elle-même perçue comme présupposition de l'ignorance. C'est sur ce ressenti des choses et des êtres qu'on a commencé à bâtir, à étayer, à creuser la grande somme de nos recherches.
Les philosophes grecs, chez qui il est non seulement admis de faire halte mais recommandé de faire usage, considèrent le temps comme cadre indépendant de nos actions. C'est l'immuable sablier de nos bacs à sable : il bascule quand bon lui semble et personne n'y peut rien. Nous retrouvons ce temps cyclique si bien chez Anaximandre [3], Archytas de Tarente [4] qu'essentiellement chez Paracelse et Platon :
Cette « substance éternelle intemporelle […] Nous disons d'elle qu'elle était, qu'elle est, qu'elle sera, alors qu'elle est est le seul terme qui lui convienne véritablement, et que elle était et elle sera sont des expressions propres à la génération qui s'avance dans le temps ; car ce sont là des mouvements. » [5]
La grande modernité est venue de l'intime conviction que ce qui différenciait l'homme des autres espèces n'était pas sa supériorité mais l'illusoire éternité qui s'offrait à lui, comme une grâce réservée à lui seul, à sa génération et pas une autre. Ce que saint Augustin dit de fort belle manière, parlant de Dieu... et du dieu qu'il nous siérait d'être : « Mais tu précèdes tous les temps passés du haut de ton éternité toujours présente » [6].

Oui, mais
Partant de là, de plus en plus de chercheurs se demandent si la conception que nous avons du temps n'est pas une création de nos cerveaux. À preuve, cette perception du temps évoluant sous l'effet du développement (de quelques mois à l'âge de 6 ans), puis de l'influence grandissante de la mémoire (de 8 ans à l'âge adulte), et enfin du ralentissement des fonctions cognitives. Perception du temps variant également en fonction du rythme de vie propre à chacun, voire à chaque âge. Ajouté à cela, le fait que nous possédons tous nos propres métronomes, allant de la fraction de seconde de type neuronale, à la seconde de fréquence cardiaque, aux heures de la digestion et du sommeil, aux journées circadiennes répondant à l'alternance veille-repos, aux mois dépendant essentiellement du cycle menstruel féminin.
(Petit aparté où l'on dira qu'il est presque normal que le temps soit une vision de notre cerveau, puisque les visionnaires et très grands savants ont tous préalablement visualisé leurs découvertes bien avant de la coucher sur le papier...)
Mais pour en revenir à nos moutons, de même que l'on admet la perception des couleurs comme simple vue de l'esprit – les couleurs n'existant pas en tant que telles dans la nature mais résultant d'émissions électromagnétiques des différentes fréquen-ces du cerveau (quand celui-ci est estampillé Sony ou Pioneer pour les capter) –, de même que certains physiciens avancent que la gravitation newtonienne qui fait tomber les pommes, que la gravitation massive vue et revue par Einstein mais ô combien incompatible avec la mécanique quantique régissant l'infiniment petit, que la gravitation selon la théorie vibratoire des cordes prédisant qu'en échange de leurs particules « médiatrices » deux corps s'attirent mutuellement (joliment dit pour finalement parler de l'amour) ; bref que la gravitation ne serait qu'une illusion [7], de même pourrait-on dire que le temps n'existe pas.
Waou !
Seulement... sans indicateurs temporels quelconques (horloge biologique universelle, processus d'origine neuronale, thermo-dynamique des atomes du corps, échanges intercellulaires... sans parler des tic-tac du réveil), sans indicateur aucun développement social n'aurait été possible. Ce qui se passe quand nous perdons la notion du temps après une nuit blanche, un repas bien arrosé ou au sortir d'un coma. Nous n'apprenons ni à marcher ni à nous ré-alimenter sans auparavant être parvenus à nous caler sur la bonne fréquence.

La mesure du temps
Le temps newtonien fige la durée dans une variable totalement indépendante des évènements extérieurs. Einstein modifie cette vision en introduisant une notion d'espace-temps : le temps et l'espace se déforment (extension ou rétrécissement) en fonction de la vitesse des mouvements qui les affectent. La flèche du temps, autrement dit un avant et un après les choses, est dans les deux cas globalement respectée.
À contrario, l'approche quantique fait royalement fi et du temps et de l'espace. À l'échelle macroscopique, c'est-à-dire au-dessous de la longueur de Planck (1, 616 252 x 10-35 mètres), la physique ne reconnaît plus un état stable mais une superposition d'états : j'y suis, j'y suis pas ou plus...
Pour des théoriciens de la gravitation quantique à boucles, dont Carlo Rovelli et Lee Smolin comme figures de proue, il n'est tout simplement pas impossible d'exprimer quelque équation que ce soit sans la valeur “temps”. Ainsi marchons-nous sans avoir systématiquement l'œil rivé sur la montre (bing, dans le poteau !), laissant plutôt à notre cerveau de percevoir les plus infimes détails des changements qui s'offrent à nous.
On le voit, tant que l'unification entre les différentes physiques n'aura eu lieu, la mesure du temps nous apparaîtra comme tout et son contraire. Nous sommes aussi bien soumis à des vitesses flirtant avec la lumière qu'à notre propre lenteur, aussi bien soumis au cosmos qu'aux échelles où s'agitent les particules.

Oui, mais
Pietr Horava.
C'est en observant une mine de crayon constituée de graphite que le physicien d'origine tchèque fait une découverte d'importance. Publiés en janvier 2009, ses travaux suspendent la communauté scientifique à ses révélations.
En refroidissant les cristaux de carbone composant le graphène aux alentours du zéro absolu, Horava constate que les mouvements des électrons y accélèrent considérablement. Passons sur la symétrie de Lorentz, faisant que la vitesse de la lumière reste identique indépendamment des observateurs et de la vitesse à laquelle ils se déplacent, pour retenir que la vision du temps et de l'espace que nous avons aujourd'hui du cosmos refroidi diffère grandement de ce qu'elle fut aux températures colossales du big-bang.
Ce faisant, Horava supprime cette symétrie de Lorentz des équations d'Einstein (puisque non vérifiée) pour découvrir que la théorie quantique des champs pouvait décrire la gravitation à des échelles microscopiques sans donner les résultats farfelus obtenus jusque-là.
Quésaco ? Sinon qu'Horava propose de représenter le temps, voire l'espace-temps, et ce quelle que soit l'échelle sur laquelle on se place, de l'infiniment grand à l'infiniment petit. Oups, quel changement, mes aïeux !

Voilà. Bref tour d'horizon d'un vol libre résolument suspendu au temps... Et, vu d'en haut, juste avant que le parapente ne s'écrase, un peu comme on voit défiler sa vie avant d'y passer, je me dis, qu'à trop vouloir retenir le temps, tout n'est qu'un sempiternel recommencement. Je voyais récemment l'anobli Drucker présenter Champs-Élysées et ne plus parvenir à faire le distinguo entre hier et aujourd'hui.
Comme quoi la notion de temps introduit d'elle-même une multitude d'états répondant plus ou moins à nos humeurs : la nostalgie, les regrets, le désir, les souhaits, l'euphorie, l'impétuosité, la félicité, l'usure, la morsure, l'élévation, la peur, la solitude... Ce qui fait dire à Marcel Proust, éternel chantre du temps perdu (quantique des cantiques) :
« Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique : les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit. »




Quelques liens :
Approche du temps en biologie et géologie :
http://pst.chez-alice.fr/ts01.htm
Quels temps font-ils ? Une introduction au temps des physiciens. Un film de Marc Lachièze-Rey, Étienne Klein et Hervé Lièvre (à voir absolument) :
http://www.cerimes.fr/le-catalogue/quels-temps-font-ils-une-introduction-au-temps-des-physiciens.html
L'évolution créatrice d'Henri Bergson :
http://www.canalacademie.com/L-Evolution-creatrice-d-Henri.html
[1] L'Olympe des infortunes, Julliard 2010
(2] Paléontologue. Ici l'exaptation (l'organe crée la fonction : de branchies en poumons, de glandes sudoripares en glandes mammaires, modifications cognitives des aires du cerveau) s'oppose à la pensée aristotélicienne (la fonction crée l'organe)
[3] On verra le très bel ouvrage de Carlo Rovelli, Anaximandre de Milet, ou la naissance de la pensée scientifique, Dunod 2009, collection UniverSciences
[4] " Le temps est comme le nombre du mouvement ", dixit Archytas http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/archytas/fragments.htm fragments 9bis
[5] Platon, Timée, Flammarion GF n°203
[6] Saint Augustin, Confessions, Livre XI, Flammarion GF n° 21
[7] Voir Sciences & Vie de septembre 2010 (n° 1116) et les admirables travaux du physicien néerlandais Erik Verlinde





mercredi 10 novembre 2010

ROUTE mal BARREE



Image tenace : J'ai l'impression de ramper sous les barbelés avec les balles me sifflant au-dessus. Je suis la nouvelle cible.
… Passant ainsi de l'homme debout à l'homme couché, il me semble balayer d'un trait de plume les millénaires me séparant de Néandertal. Voilà bien l'oléocène de la grande régression : noyés d'or et de pétrole – on n'est pas sortis de l'auberge –, nous sommes guère moins revenus à l'âge de pierre ; à nous battre et nous débattre comme jamais, jusqu'à faire le pari risqué de donner naissance. Nous vivons un monde d'économie et d'appauvrissement. L'économie du pognon qui manque de toutes parts, l'appauvrissement d'une ghettoïsation pré-sélectionnée.
État des lieux et bizarreries de la :


RGPP
Révision générale des politiques publiques.
Vision pléonastique de politiques qui ne peuvent être que publiques, ou comment contraindre à ce qui n'a pas plus de but que d'essence. Et ça marche.
Le but, mettons : virer les fonctionnaires jugés en trop. L'essence : un peu comme un crime sans mobile, ou qui sait, refiler les ex-fonctionnaires à Pôle Emploi, finalement les avoir quand même sur le dos (dès lors qu'ils appartiennent à des catégories recyclables, abstraction faite des policiers, des gardiens de prison non-indemnisables...).
Ceux qui ont le plus de boulot dans l'affaire, ce sont les équipes d'audit chargées d'orchestrer le dégraissage des différents mammouths. Principalement des SSII comme Accenture, Capgemini [1], Ernst & Young, McKinsey.... Je les verrais plutôt en Undertaker, fossoyeurs and Co.

PP par l'exemple
Dernière en date de la remise à plat des politiques publiques, la suppression des miradors en maison d'arrêt. Pour cela, il aura donc fallu répondre à cette fameuse grille de sept questions [2].
1. Que faisons-nous ?
Rien, mon lieutenant. Nous n'empêchons ni les intrusions, ni les évasions. En quoi nous regarde les bagarres entre détenus, les rackets, les trafics ; en quoi nous intéresse cet espace de liberté que nous leur octroyons deux fois par jour ? Mettons plutôt en place « un dispositif visant à faciliter la mobilité des agents » [3] et appelons cela flexibilité, ça sonne bien et c'est très XXIème siècle.
2. Quels sont les besoins et les attentes collectives ?
Les besoins : Une paire d'yeux bien expérimentés. Les attentes : Que la matière humaine garde son humanité dans le respect des lois et des décrets de procédure pénale (dont on s'apprête également à l'allègement).
3. Faut-il continuer à faire de la sorte ?
Certainement pas. Pendant que les détenus s'évadent, que les autres se tapent sur la gueule, qu'une bande de malins balancent des drogues ou des armes par-dessus les murs..., pendant ce temps-là les prisons se vident et s'humanisent. « Supprimons les missions jugées obsolètes ou trop coûteuses » ; même si demain, il faudra faire tout et son contraire, en attendant, supprimons.
4. Qui doit le faire ?
Gaston, le robot-maton. Une vraie fine mouche avec ses yeux multiples.
On vire les surveillants des miradors. Gain non-négligeable qui permet de remplacer ceux qui tombent malades à tout bout de champ. On en garde un ou deux qui travaillent en free-lance depuis chez eux via intranet, principalement affectés à une surveillance joystickienne de haut rendement. Voilà qui s'appelle « mutualiser les missions de support et d'encadrement ».
5. Qui doit payer ?
Les malades donc, les planqués en attente de défourailler l'ordre reçu, les contaminés de la branlette assise, les pseudo interdits de détention parce que trop rigides ou ceci et cela, les cruciverbistes et les endormis. D'où la « création d'une indemnité de départ volontaire ».
6. Comment faire mieux et moins cher ?
Faire mieux qu'un maton, ça doit pas être compliqué ; moins cher aussi. Avec une économie moyenne de quatre surveillants, il y a forcément de quoi s'offrir le dernier jouet en matière de vidéo-surveillance ultra-sensible, quitte à ce que ce genre de bijou tombe en panne tous les quatre matins. Mais ça le promeneur des cours hautement gardées ne le saura jamais... ou le lendemain.
7. Quel doit être le scénario de transformation ?
Principalement, une histoire de gros sous. Ouvertement, la libéralisation exponentielle d'un système qui basculera de lui-même de public en privé sous-exploité. Scénario tout droit sorti de l'implacable cerveau du PDG, soi-même, d'Accenture ; grand homme aux incommensurables capacités. Visionnaire généralissime de la Révision générale et du « transfert des missions aux entreprises privées ».

… Petite musique de Nuit ne nuit pas
Quand Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, s'interroge sur le capitalisme comment ne pas soi-même s'interroger en ramenant la question à sa simple crémerie, son vécu ?
En marge d'une cérémonie l'intronisant docteur honoris causa de l'université de Montréal, ce jeudi 4 novembre 2010, le patron de l'OMC déclare :
« Depuis quelques années, je m'interroge sur les racines culturelles et anthropologiques du capitalisme de marché qui est intrinsèquement injuste et stresse toujours plus les ressources humaines et naturelles. » [4]
Retenons bien cet aveu d'un des hommes les plus en vue de cette planète : cette injustice stressante tant pour les hommes que pour la nature. On est en plein dedans.


© images Google / Flickr by Stefan


Lessive GPP
Souvenons-nous : l'anodin passage de L'ANPE à l'ANDE – comprenons l'Agence nationale de destructions [5] d'emplois – conduisit rapidement le grand mathématicien Edwin Mervel à sa célèbre formulation aujourd'hui connue de tous :
RGPP = M A2
où M représente la masse salariale et A la constante de destruction envisagée. A2 parce que la réalité dépasse toujours la fiction.
Voyons maintenant quelques exemples concrets d'une liste de 524 mesures de la RGPP. C'est parti.
1 – Quand la SNCF paient un droit de péage à RFF (Réseau ferré de France), s'en suit aussitôt des suppressions de trains et une hausse substantielle des tarifs et abonnements (Avril 2008)
2 – Avec le nouveau système d'immatriculation des véhicules s'instaure un surcoût d'achat de plaques pour les véhicules d'occasion, la remise à jour systématique des cartes grises conjuguée à une hasardeuse simplification des pièces à fournir (Avril 2009)
3 – La privatisation du contrôle des transporteurs (autocars, poids lourds) a multiplié par trois le tarif des-dits contrôles.
4 – Dans l'enseignement, la suppression de 3.000 postes de RASED (enseignants spécialisés des réseaux d'aide aux élèves en difficulté), la destruction de 34.238 postes équivalents plein temps dans le public et de 3.704 postes dans le privé sous contrat, entraînent la fermeture de classes, voire d'établissements
5 – Dans les travaux publics, augmentation des coûts en matière d'archéologie préventive dédiée à des entreprises privées
6 – Suppression de 178 tribunaux d'instance, 55 tribunaux de commerce, 62 conseils des prud'hommes, 2 tribunaux de grande instance, plus de 180 blocs opératoires et de maternités, 40 centres de Météo France (réduction globale des 2/3 des effectifs dans les départements entre 2007 et 2012)
7 – Les 60 établissements pénitentiaires sous le coup d'une fermeture, sans remplacement envisagé par de nouvelles structures de proximité, entraîneront un surcroît de travail pour des surveillants et un encadrement réduits à minima ; exit des conditions de détention plus dégradées, des contraintes supplémentaires pour les familles de détenus.
8 – La fusion des Assedic et de l'Anpe en Pôle Emploi génère nombre de dégradations : manquent de moyens, de formation pour les agents débordés et stressés, retard dans le traitement des dossiers, entretiens reportés
9 – En application de la RGPP, la branche famille des 123 CAF, connaissant un accroissement de travail et de problèmes liés au manque de moyens et à la réduction des effectifs, se trouve dans l'impossibilité graduelle de servir à temps ses allocataires (souvent au bord de l'exclusion)
10 – Le nouvel outil comptable, Chorus, d'un coût de 1,5 million d'euros, fonctionne très mal et engendre des retards de paiements tant pour les agents publics (frais de remboursements de déplacements ou de nuitées) que pour les entreprises et les prestataires de service (paiement à 10 mois ou plus entraînant des problèmes de trésorerie et/ou d'emplois)
11 – La suppression de l'ingénierie d'État (DDE, DDAF...) prive les collectivités territoriales d'aides et de conseils neutres en matière d'eau potable, d'assainissement, d'éclairage public, de traitements des déchets..., mais aussi en matière de prévention et de gestion des risques (inondations, tempêtes, crues...)
12 – La réduction des missions de police et de gendarmerie (gardes statiques, motorisées et protections individuelles), le réajustement territorial police-gendarmerie, la suppression d'unités, la rationalisation des moyens de la police technique et scientifique ont réduit les capacités d'interventions locales et d'expertises des forces de sécurité
13 – L'autonomie des 58 universités a conduit à la suppression de 93.000 emplois et à l'incertitude des salaires des personnels (quand il faut payer la note de gaz et la réfection des locaux, il ne reste plus grand-chose pour les enseignants-chercheurs)
14 – La suppression de 700 emplois au ministère des Affaires étrangères a permis une délégation des pouvoirs à des sociétés privées gérant désormais le service de la valise diplomatique (!) et l'étude des dossiers de demandeurs de visas (coûts supplémentaires, inquiétude en matière de sécurité des données)
15 – La loi HPST (Hôpital Patients Santé et Territoires) et la création des Agences régionales de Santé permettent la fermeture de pans entiers de services et d'établissements. Pour les malades, la démarche commerciale des établissements leur impose de gérer les patients selon « leurs caractères rentables », de diminuer le temps d'hospitalisation, de faire payer de plus en plus d'actes directement par le malade
16 – En décrétant l'augmentation artificielle du pourcentage de réussite au permis de conduire (de 53% à 66%), l'insécurité routière et les risques de mortalité, notamment chez les jeunes, accroîtront d'autant
17 – Dans le sport, suppression de postes de professeurs d'EPS, fermeture des centres régionaux d'éducation populaire et de sport, privatisation de la formation
18 / 524 – Marchandisation de la culture, augmentation des tarifs, recherche de fonds propres [6]...


Rappelons-nous, juste pour la route, ce soudain repenti de Pascal Lamy, Directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce :
« Depuis quelques années, je m'interroge sur les racines culturelles et anthropologiques du capitalisme de marché qui est intrinsèquement injuste et stresse toujours plus les ressources humaines et naturelles. »
Oui, quelles racines dans tout cela ? La terre est devenue tellement friable que n'y poussent plus qu'adventices destructrices et chiendents étouffants. Elle est devenue une lune percluse des blessures d'ovnis astéroïdes surgis d'on ne sait où : de grands cratères sur fond de poussière triste. Sacrés labos explorateurs, sacrés couillons, rigolards « [de] la perte de sens, [de] l'individualisation à outrance, [des] attaques contre les droits statutaires, [des] suppressions de postes et de services, [des] mobilités forcées, [des] fusions et [des] délocalisations, [des] dégradations des conditions de travail, [du] mépris d'un management brutal et sans considération » [7].
À croire que tout consiste désormais à renier ce que les prédécesseurs ont mis des années et des années à pondre. Quand bien même tout ne serait pas à garder, ça va fichtrement vite. À croire qu'à faire l'économie de tout, on ne cherche qu'à faire celle des hommes ; traduction littérale d'un management tout juste bon à vendre du Tupperware et nourrir les boîtes d'audit en manque d'anglicismes.

L'est-i pas plus belle la vie comme ça, mame Baudin ? Un vrai feuilleton, je vous dis ! Plus forts que les Experts amis-amis.


[1] 30% du CA de Capgemini (soit 2,511 Mds € en 2009) provient du secteur public ; CA d'Accenture : 25,28 Mds € en 2008 (source Wikipédia). 2-s-2-i pour Société de Services en Ingénierie Informatique
[2] Wikipédia, article RGPP
[3] Ibid RGPP, chapitre Les Moyens, citations entre guillemets
[4] Entrefilet paru dans le Monde du 5 novembre 2010
[5] Terme fréquemment retenu. Imaginons si nombre d'entreprises apposaient à leurs portes, non plus les résultats propres à satisfaire l'égo des actionnaires, mais le permis de destruction des emplois à venir
[6] Extraits d'une conférence de Pascal Pavageau de Force Ouvrière
[7] Ibid Pascal Pavageau

mercredi 3 novembre 2010

Tepui de la grande cassure


Les grands esprits n'en finissent pas de voyager. Ils forment à eux seuls une sorte d'anticyclone des Açores balayant tout de la monotonie dans laquelle nous sommes pieds et poings liés. Théodore Monod disparaissait le 20 novembre 2000 à 98 ans ; il était de ceux-là.
Capable d'affronter le Sahara à la recherche de cailloux improbables, on ne peut s'empêcher de rapprocher l'acharnement qui le motivait à l'amour du désert qui le nourrissait, à de la poésie. L'aveuglant à la manière des bâtonnets scintillant sur les gâteaux d'anniversaire, cette nourriture terrestre le projetait au-delà de l'illettrisme par lequel nous prétendons savoir lire. Au-delà des choses, des êtres, des apparences, des souffrances.
Un jeune ami qui me demandait pourquoi poésie et nuit était intimement garrotées, Monod et nombre d'autres répondent à sa question.
Parce qu'il faut être sacrément passionné, frappadingue même, pour, à plus de 96 ans, ne plus craindre la rigueur d'un Tidikelt à seule fin du pressenti d'une science qui vous porte à ce point. La nuit de Monod ruissèle d'éclats d'un passé que le désert lui révèle par bribes : la météorite de Chinguetti, le site d'Asselar dans le massif du Timétrine, les méharées du Tanezrouft. Sans cartographie précise, sans positionnement satellite (nous sommes en 1951), sans moyens de communication, il aborde la Majabat, immense contrée d'environ la moitié de la France, où « Personne n'est venu depuis le néolithique ». Le poète en salopette et gros godillots revêt alors la combinaison des plus grands cosmonautes, des privilégiés de la découverte. Monod n'a plus cinquante ou quatre-vingt balais, il est un gamin qui joue aux explorateurs. Son dos ne lui fait plus mal, ses mains de maçons ne sont plus gercées, il boufferait toutes les crottes de chameaux s'il le fallait. La poésie s'ouvre à lui et il ne voit plus rien que cette crevée d'espace-temps émerveillée. Il est au septième ciel, sans herbe, sans fumerolles, sans adjuvants, par une volonté conjuguée aux instants de ses promesses – incertaines.
Il faut avoir été taulard, avoir affronté le froid des cellules, la nuit de l'enfermement pour comprendre ce qu'un ciel par-dessus le toit peut porter d'émotion. Sans doute faut-il aller jusqu'au sacrifice des honneurs, de la gloire ; faut-il se jeter corps et âme dans une Abyssinie sans fond, allant du don de soi au refus du banal – si beau, si attrayant soit-il – pour s'appeler Rimbaud. La poésie est une maîtresse, une gueuse, une mégère. Non, elle ne se trouve pas dans la beauté d'un automne foudroyant, dans les pastels Laurencin [1], sous l'objectif de Karen Knorr [2]. Elle s'aborde par d'autres côtes autrement plus escarpées. Tiens, les Rangers du deuxième bataillon gravissant avec hargne et détermination les falaises de la Pointe du Hoc durant le Débarquement allié, voilà l'offrande quasi poétique du sacrifice extrême, pour notre propre liberté. N'oublie pas : ils ont dix-huit ou vingt ans, rarement plus que ceux qui les ont précédé dans les tranchées. Et c'est là, seulement là, où la moindre feuille, le plus infime parfum, un quignon d'éclaircie conquièrent lettres de noblesse et sentence partagée. Oui, l'automne des souffrances apaisées, cet automne-là est beau. On se met à y lire des frissonnements épars, des chuchotis encore plus intenses que le mordoré des zincs les soirs de cuite. Il est, il vit, éclot et ne fane pas.
Les villes la nuit s'habillent elles aussi d'avenues balisées sous lesquelles nous abritons nos peurs. Puis vient Noël et le froid ne pince plus, les pas ont fini de battre le pavé, rien n'est trop beau ni plus cher ; les morts macchabent et les vivants vivent et font semblant. Ils s'attaquent aux rimes des vitrines, cadeaux insoupçonnés ; la poitrine enfle d'inconnu, ose l'ailleurs.
Les compositeurs ne s'y trompent pas qui digressent d'adagio sur fond d'horreur et de soldat Ryan : c'est le palliatif de nos âmes meurtries. Vallée de corbeaux picorant les corps du champ de bataille napoléonien, panoramique et lent travelling d'une monstruosité soudain graciée par la voix d'une soprano inspirée, et soudain le charme consolateur obère toute rancœur. La voix ouvre l'autre voie, voie de liberté, d'absolu : Dieu pleure ses morts dans une paix profonde. Chaque homme couché, chaque brin d'herbe massacrée devient son frère et sa terre.
Vois déjà, jeune ami, la route traversée de Monod à ces cadavres sans nom ; vois l'ensorceleuse fondre sur toi, agiter le vent de tes branches. Et te voilà à ton tour frissonnant, conquis d'images, fruits de ta seule imagination. Tout bruisse, des angelots apparaîtraient que tu n'y verrais que du feu, jugeant leur présence en adéquation avec le souffle qui t'emporte. La poésie mue de l'ancienne peau qui te couvrait le corps, qui te fermait les yeux. Tu as l'âge de Twilight et la magie de Potter. Le miroir sans tain t'attend où tu veux, quand tu veux ; gens inouïs ayant souffert, enduré, témoins affables de cet au-delà à portée de main qui se perd en toute chose, qui te crevait les yeux mais que tu ne voyais pas. La poésie devient toute simple et si nue ; seule maladie de cœur véritablement reconnue, encouragée. Elle est enfant, amour, onde, nano-couleur, qu'importe, elle t'attend dans l'inattendu de tes douleurs – Apprête-toi à souffrir et te relever.


(c) images Google

Mais il n'est pas de falaises ou de tepuis qui ne débouchent sur l'immensité, le dessous des cartes comme se plaisait à le dire Max Jacob [3]. Ce sont tes espaces vierges, tes territoires noctambules.
Préserve-les, enfin, de solitude sauvage.
[1] Marie Laurencin, peintre 1883 - 1956
[2] Karen Knorr, photographe allemande née en 1954, auteur de "Fables"
[3] Max Jacob parlant de la poésie dans "Art poétique"