dimanche 20 juin 2010

Le toueur de retraite

De toute façon à quoi bon gueuler puisque tout est “bouclé” ? Comme le dit, ce vendredi 18 juin 2010, le secrétaire général de l'UNSA, Jean Olive : « On a fait valoir toutes les critiques qu'on portait sur le projet, mais c'est quasiment bouclé ». Et de poursuivre, à sa sortie du ministère du Travail où il rencontrait Éric Woerth – retenez bien ce nom, parce que l'Histoire, elle, n'est pas prête de l'oublier – en compagnie des autres partenaires sociaux, excepté FO et la CGT : « [je ne suis] pas déçu par ce rendez-vous parce que pour être déçu, il aurait fallu attendre quelque chose » (lexpress.fr du 18/6).
On le voit, on le lit, on l'entend : que les choses soient claires, la réforme des retraites est belle et bien entérinée. La preuve, les médias qui clament à tout va que « D'ici à 2018, l'âge légal de départ à la retraite sera porté à 62 ans » (Le Parisien du 16 juin) ; « Fin de suspense. L'âge légal de la retraite sera porté à 62 ans en 2018 contre 60 ans » (Le Point du 16 juin) ; « Édition spéciale sur la fin de la retraite à 60 ans » (France Info du 16 juin à 9h10)... etc, y compris 20 Minutes et Rue89.
Même défaitisme du côté des sociologues, à l'exemple de Bruno Palier, expert en protection sociale. Selon le chercheur au Cnrs, le recul de l'âge de départ à 62 ans « ne touche pas une partie de l'électorat classique de la droite comme les professions libérales, les artisans, qui travaillent déjà après 60 ans... et les retraités actuels, qui ont voté à 65% Sarkozy » [1]. Non seulement, c'est foutu, mais en plus on connaît les coupables : le notaire du coin, le boulanger Banette et le petit vieux d'en face. Moralité, ne manifestez plus le 24 juin, cassez plutôt la gueule aux trois veinards sus-nommés.
D'ailleurs, le 24, c'est en attendant que le projet de réforme soit présenté au gouvernement qui sans faillir le confirmera, à quelques aménagements près, le 13 juillet prochain (veille de Bastille) ; et c'est surtout en attendant que le Parlement ne l'examine en septembre. Parce qu'en septembre, « la grogne sur les retraites télescopera les effets de l'austérité contenue dans le projet de budget 2011 », comme le souligne le Journal du Centre du 18 juin.
Et quand bien même 52% des Français jugent-ils la réforme « injuste et inefficace », quand bien même 60% ne sont-ils pas d'accord avec le recul de l'âge de la retraite à 62 ans [2], quand bien même l'intersyndicale retrouvée CFDT-CGT-FSU-Solidaires-Unsa appelle-t-elle à une mobilisation massive pour la journée d'action du 24 juin, qui pour arrêter ce qui a déjà été quasiment paraphé ? Et qu'est-ce qu'une journée quand on pense au blocus qu'il faudrait ? Appelons un chat un chat. Mais quoi, ne sommes-nous pas tous endettés, mouillés jusqu'au cou par les crédits maison-auto-conso et autre train de vie ? Message hyperbolien de la conséquence désastreuse que nous ne sommes même plus capables d'assumer dignement la rue. Et voilà bien ce qui force les médias à ce discours du joué-d'avance, du ça-y-est-c'est-bouclé : notre apathie sociale.

La retraite heureuse des Croisières Costa
À cents lieues du minimum vieillesse qui nous guette plus ou moins, page 36 de TV Magazine, je suis parti en croisière musicale sur le MSC Opera avec Julien Lepers. Inoubliable ! À la une du périodique de mutuelle, deux couples de septuagénaires aux anges m'invitaient à rire de franc cœur en partageant leur cure de balnéothérapie. Vivifiante ! Chez le pharmacien, Jane Fonda magnifiait le bel âge l'Oréal. Pure jouvence !... Siècle de gourmandises et d'attrape-nigauds, à tout âge.
Car comment peut-on me demander des efforts supplémentaires alors que j'en suis assailli ? Comment croire qu'on cherche des sous ailleurs que dans mon sabot ? Comment croire qu'une ville comme Saint-Léger-des Vignes puisse partiellement investir 769.000 euros dans un Centre d'interprétation culturelle et touristique du toueur – bateau qui servait à draguer la Loire pour en extraire le sable ? J'en passe et des meilleures, partout en France ou dans les Dom-Tom.

Le toueur de Saint-Léger-des-Vignes (Nièvre)

Oui, c'est « Une réforme brutale » comme le dit la CGT. Oui, elle est « profondément injuste et inacceptable, car elle fait peser la quasi-totalité des déficits dus à la crise sur les salariés », comme le clame la CFDT. Oui, elle est « injuste » (Unsa), « bancale » (CFE-CGC). Bien évidemment que de « siphonner aujourd'hui le Fonds de réserves des retraites, c'est piller le futur », comme estime le député de la Nièvre, Christian Paul [3].
Et alors, qu'est-ce que ça change ? Madame Bettencourt se rend-elle seulement compte de ce qui se passe ailleurs qu'à Neuilly ? Se rendra-t-elle seulement compte du taux marginal de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu passant de 40 à 41%, que les prélèvements sur ses plus-values mobilières (actions, obligations) passeront de 18 à 19% et ceux sur ses plus-values immobilières passeront de 16 à 17% ? Presque un jeu d'écriture que ses avocats d'affaires balaieront du trait de plume dont le capital se réserve l'exclusive : évasion fiscale, techniques boursières des marchés en yoyo, investissement or4... etc. Nous battons les grenouilles d'une autre manière pour que les princes dorment tranquilles : « C'est une révolte, sire ? ». Même pas, mon pauvre Gavroche.

La taille et la dîme
Tout y passe. Le fonctionnaire fonctionnera comme on lui dit, normal, y'a pas plus hiérarque qu'un fonctionnaire. Ce sera pratiquement un jour de salaire en moins sur sa feuille de paie dès lors qu'en cotisant de 7,85% à 10,55% (on est loin du 1% “subi” par le capital) son salaire net baissera d'autant. De la même manière, les entreprises privées répercuteront sur la masse salariale la diminution des exonérations de cotisations sociales (ponction équivalente à quelque 2 milliards d'euros). Pas rien non plus.
Et la pénibilité, parlons-en [5]. Le départ anticipé à 60 ans sera soumis à l'obligation d'un cancer ou d'une maladie professionnelle déclarés. Autrement dit, avec un pied dans la tombe, le salarié goûtera paisiblement à cinq ou six mois de repos avant de décéder... encore qu'on ne le déclare pas apte à caner comme Molière en scène.
Sarközy de Nagy-Bocsa, prince d'Andorre, le sait bien, le crédit de la France est aussi menacé que l'est celui de l'équipe nationale de foot. Les derniers accords concluent avec madame Merkel pour une gouvernance européenne ne sont autre que cela : Ramène ton pays dans le droit chemin, après on verra. Et pour du chemin c'est du chemin. Nous deviendrons le pays européen le plus drastique en la matière : ainsi au Royaume-Unis, « il est envisagé de travailler jusqu'à 68 ans, mais en... 2046 », en Allemagne « on peut partir aujourd'hui avec une retraite à taux plein à 63 ans avec 35 ans de cotisations seulement ! ». De même que « nombre de pays reconnaissent bien plus généreusement l'invalidité des salariés âgés […] : alors que seuls 2,9% des séniors sont dans ce cas en France, ils sont 12,9% aux Pays-Bas et 15,8% au Danemark, deux pays pas vraiment réputés pour la dureté de leurs conditions de travail » [6].
Et comme disait Bigeard (à la belle espérance de vie) à propos de la bataille d'Alger en 1957 : « nos méthodes s'avèrent aussi efficaces en ville que dans le bled » [7]. Fermez le ban !
[1] terra-economica.info
[2] Sondage CSA/Aujourd'hui en France du 17 juin 2010
[3] JdC du 17 juin 2010
[4] L'once d'or bat des records avec un prochain seuil prochainement garanti à 1.300 euros (l'effondrement des monnaies favorisant la hausse de l'or)
[5] Ne pas confondre pénibilité et dangerosité (militaires, policiers, gardiens de prison...) : exemple d'un policier âgé de 50 ans en 2010, il pourra bien partir à 50 ans car ses droits à la retraite sont déjà ouverts. Par contre, s'il a 45 ans en 2010, il devra attendre ses 52 ans pour partir ; l'âge d'ouverture de ses droits étant augmenté de deux ans
[6]Trois citations extraites de l'article web de Philippe Frémeaux, Alternatives Economiques 18 juin 2010
[7] actu.orange.fr du 18/6

samedi 19 juin 2010

Bilderberg


Ne dit-on pas que c'est depuis ce « bureau de 18 m2, tenu par un seul employé utilisant une seule ligne téléphonique et un seul numéro de fax […] sans site web et sans plaque de laiton apposée sur la porte » [1] ; ne dit-on pas que, depuis cet endroit banal entre tous, est gérée l'une des organisations secrètes et puissantes qui soient ?
Secrète, organisation secrète : vous vous dites, « Ça y est, voilà qu'il fait dans l'ésotérique, le Dan Brown ». Mais rien de cela, ces deux “sujets” m'insupportant au possible. D'autant que, par nature, je serais plutôt du genre sceptique, avec un goût prononcé pour les sciences pures, celles du moins qui forcent le respect par leurs démonstrations infaillibles. C'est dire, moi aussi, avec quelle méfiance j'ai reçu l'info. Une chose m'a pourtant incité à poursuivre : en fait de secrète, cette organisation n'est pas si secrète que cela. Elle officie chaque année au grand jour, choisissant, ici et là, un hôtel cinq étoiles dont paparazzi, curieux, journalistes, enquêteurs et contestataires font vainement le siège, tant le service d'ordre composés de policiers, de gendarmes et de gardes du corps y est impressionnant. Mais si l'organisation en question ne cache rien de ses rendez-vous, elle a ceci de secret que ni ses membres ne sont en totalité connus, mais plus encore ni ses délibérations ne sont rendues publiques. Depuis 1954, date de la première réunion, rien, ou quasiment rien, n'a filtré. Quant à la dénomination de celle-ci, elle est officiellement connue sous le nom de groupe de Bilderberg – le premier hôtel hollandais ayant abrité cette réunion, sous l'égide de la couronne royale néerlandaise et de la famille Rockefeller.

Le gotha des puissants et des décideurs
Le Club de Bilderberg abrite durant trois jours le gotha des puissants et des décideurs de ce monde. Mais à l'inverse du G20 ou du Forum économique mondial de Davos où les comptes-rendus sont rapportés par tous les médias, le Bilderberg se tient à huis-clos sans que rien ne se sache, même des années plus tard. C'est même l'extrême consigne qui est ordonnée à tous ses participants. Et quels participants !


Hôtel Dolce de Sitges, Espagne, 2010

Si le Bilderberg de 2007 s'est tenu du 31 mai au 3 juin à l'hôtel Ritz Cartlon d'Istanbul, si celui de 2008 s'est tenu du 5 au 8 juin au Westfields Marriot de Chantilly, Virginie, et celui du 14 au 17 mai 2009 à l'Astir Palace sur la péninsule Vouliagmeni à 25 kilomètres d'Athènes, le Bilderberg de cette année s'est déroulé en Espagne, à l'hôtel Dolce de Sitges précisément, du 3 au 6 juin derniers. Allez dans un moteur de recherche et tapez « Bilderberg 2008 ou 9 ou 10 » et vous aurez la liste presque complète des membres. Sans entrer dans le détail, sur 120 personnalités on en connaît chaque fois entre 60 et 75. Ils forment ce que ce qu'on pourrait appeler la base, renouvelée d'année en année, bien que certains membres peuvent être appelés à participer à deux ou trois reprises.
On citera dans le désordre : pour 2007, José Barroso, président de la Commission européenne ; Nicolas Beytout, directeur de la publication du Figaro ; Kenneth Clark, membre du Parlement ; George A. David, président de Coca-Cola (bonjour la Coupe du monde de foot) ; Edward Balls, secrétaire économique au Trésor ; Mustafa V. Koç, président de Koç Holding ; Neely Kroes, commissaire européenne ; Thierry de Montbrial, président de l'Institut français des relations internationales ; Matthias Naas, rédacteur en chef adjoint de Die Zeit ; Klaus Zumwinkel, président du Deutsche Post AG ; Matías Rodriguez Inciarte, vice-président et directeur général de Grupo Santander ; Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères... etc ; pour 2008, Christine Ockrent, directeur général des services de la télévision et de la radio françaises internationales ; Bassma Kadmani, chercheur associé au Collège de France ; Christophe de Margerie, directeur général de Total ; Ben Bernanke, gouverneur de la Réserve fédérale ; Mario Diaghi, gouverneur de la Banque d'Italie ; Pierre Jouyet, ministre des affaires européennes ; Condoleezza Rice, Secrétaire d'Etat ; Mark Sanford, gouverneur de Caroline du Sud ; Hubert Védrine, de Védrine Conseil... etc ; pour 2009, Ali Babacam, ministre des affaires étrangères Turc ; Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP ; Pascal Lamy, directeur général de l'OMC ; Daniel Vasella, PDG de Novartis... ; pour 2010, Alexandre Bompart, directeur d'Europe 1 ; Christine Lagarde, ministre de l'Economie... etc.
Quant aux membres attitrés formant le Comité exécutif du Club de Bilderberg, on citera la Reine Béatrix, le Prince Bernhard des Pays-Bas, Etienne Davignon, Président de Bilderberg (et vice-président de Suez-Tractebel), SAR Philippe, duc de Brabant, héritier du trône, SAR Sofia, Reine d'Espagne, David Rockfeller... etc.

L'avenir du monde
Toutes ces personnes délibèrent le matin sur une question touchant l'humanité par groupe de six, puis l'après-midi le chairman dissèque en présence de tout le monde ce qu'il faut en retenir.
En 2007, il fut ainsi vraisemblablement question du bourbier en Irak et des problèmes énergétiques autour du pétrole et du gaz, ressources naturelles non renouvelables – les exigences chinoises et indiennes en la matière posant soucis. Il fut sans doute délibéré du prix du baril entre 105 et 150$ et de la répartition du pétrole entre l'Europe, la Russie, la Chine et les États-Unis. La question du gaz fut du ressort de la Russie obligée de trouver un accord avec le Kazakhstan et le Turkménistan. Voilà pour le côté clair des choses, ce qui transparaît officieusement.
Si cette année 2010, il fut discuté de la réforme financière, de l'énergie – comme toujours –, des problèmes alimentaires mondiaux, des réseaux sociaux... on ne peut s'empêcher de penser que quelqu'un comme Marcus Agius, PDG de Barclays ne s'est pas rendu au Bildeberg 2010 pour rembourser les frais bancaires hardiment pompés à ses clients (pareil pour tous les financiers, plutôt soucieux de ponctionner que de réguler) ; de même qu'on ne voit pas le PDG de Shell Hollande, Peter Voser, prôner un éco-monde meilleur, ni Mark Zuckerberg s'interdire de jouer les Big Brother avec un Facebook [2] tout juste bon à copiner. Soyons sérieux. Fâchée que le groupe soit désormais au centre d'une suspicion difficile à contenir, la majorité des membres de Bilderberg a ainsi débattu de prochains raids aériens contre l'Iran [3] (!) ; de l'Euro à 1,19$ pour la fin de l'année (il est actuellement de 1,23$) ; de la création d'une monnaie mondiale ; de l'accentuation du réchauffement climatique propre à diviser l'élite du peuple ; de la marée noire de BP et de l'apparente indignation, voire l'apathie, du Président Obama ; du prix de l'essence maintenu cet été jusqu'à une augmentation de 4$/gallon dès novembre prochain [4] ; du rationnement des soins de santé et de l'augmentation des impôts ; de l'introduction d'une taxe sur les banques payée directement au FMI en vue de financer le futur gouvernement mondial... à suivre donc.
La face cachée de Bilderberg est le propre des réunions des Bildergers. Derrière la crise financière mondiale, il faut comprendre l'exploitation de la récession, la faillite des États et la création d'un ministère du Trésor mondial aux pouvoirs encore plus étendus que ceux du FMI. Un mot résume cela : mainmise, sur TOUT, par une gouvernance mondiale, sorte de royauté planétaire.

World Court et la Théorie du complot
Mainmise sur tout... y compris sur la population mondiale.
A près de sept milliards d'humains, et compte-tenu des richesses, nous sommes trop nombreux. C'est ce que soutiennent les membres du Club de Bilderberg ; et rappelons-nous qui ils sont : parfois des ministres en place, parfois des patrons de presse [5], parfois des universitaires !
Le film en trois parties sur Dailymotion de Jesse Ventura [6], ancien gouverneur du Minnesota, montre à quel point est la détermination du groupe de Bilderberg. Une interviewe du journaliste d'investigation, Daniel Estulin, détaille [7] ce dont débattent les ténors de la finance d'Amérique de Nord, du Japon et d'Europe, les politiciens et autres géants des cartels pharmaceutiques. La guerre en Irak, le prix du pétrole, la crise économique, même l'élection de Obama, desservent le sombre dessein des Bilderbergs, véritables héritiers de la Noblesse Noire de la Quatrième croisade : réduire coûte que coûte la population mondiale.
Un autre pseudo-journaliste, David Icke [8], rapporte immédiatement quelques clés : d'abord en se servant de notre propre système immunitaire, puis par la mal-bouffe [9].
Ainsi que le révèle l'enquête poursuivant avec le témoignage du Docteur Stanley Monteith, même les aliments pour bébés sont contaminés à l'aspartame qui limite la fertilité, mais aussi par le fluor contenu dans l'eau des villes, par les fertilisants agricoles, partout dans le monde. Et de nous rappeler qu'il existe un curieux monument érigé par un certain R.C. Christian [10] à Elberton, en Géorgie, États-Unis. Le stonehenge en question, inauguré en 1980, comporte six blocs de granite sur lesquels sont gravés en huit langues ce qui seraient les dix commandements de l'antéchrist, dont ce message :
« Laissez toutes les nations régler leur problèmes devant un tribunal mondial.
Unissez l'humanité avec une nouvelle langue.
Et maintenez l'humanité en dessous de 500.000.000.
»
Il serait donc question de passer de 7 milliards d'individus à cinq cents millions !

Que chacun juge
sur Youtube
:
Soir 3, Michael Gama invité de Marie Drucker
Le groupe Bilderberg !!! ça n'existe pas

sur Dailymotion :
les enquêtes de Jesse Ventura, notamment « 2012, Elites megabunker Denver » [11]
Nouvelles du monde Bilderberg et la puce RFID (de cent fausses notes production)... etc
[1] Article web : Bilderberg 2007, Welcome to the Lunatic Fringe (Bienvenue aux jusqu'aux-boutistes) par Daniel Estulin
[2] Alex Türk, dans le rapport annuel de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), "a exprimé ses inquiétudes concernant la montée des réseaux sociaux tels que Facebook. "Je me pose ques questions sur la philosophie du sytème". [...] La Cnil souligne également la recrudescence des systèmes de surveillance des salariés : filtrage des courriers électroniques, utilisation de la vidéo et de la géolocalisation, mise en place de dispositifs biométriques.", source Journal du Centre du 18 juin 2010
[3] www.propagandafront.de (site allemand débattant de la même désinformation qu'il fut jadis question d'un camp à l'autre durant la guerre des tranchées dès 1914)
[4] Actuellement, le gallon (3.785 l) de SP95 vaut 2.87$ à Brooklin NY, il vaudra donc 6.87$ tandis que l'euro sera à 1.19$ (soit 5.77€/l), ce qui mettra le SP95 à 1.52€/l chez nous (contre 1.389€/l au 15/06/2010)
[5] Voici ce que disait John Swaiton, rédacteur en chef du New York Times, dans son discours d'adieu : "La presse libre n'existe pas. Vous, chers amis, le savez bien, moi je le sais aussi. Aucun de nous n'oserait donner son avis personnel ouvertement. Nous sommes les pantins qui sautent et qui dansent quand ils tirent sur les fils. Notre savoir faire, nos capacités et notre vie même leur appartient. Nous sommes les outils et les laquais des puissances financières derrière nous. Nous ne sommes rien d'autre que des intellectuels prostitués.", source lepost.fr
[6] Sociétés secrètes - Bilderberg, conspiraty theory
[7] Voir plus haut (ibid propagandafront)
[8] Peut-être un peu plus farfelu dans ses visions apocalyptiques
[9] Rappelons que 50% des fruits et légumes vendus sur nos étalages contiennent des résidus de pesticides, source www.observatoire-pesticides.gouv.fr
[10] Qui se cache derrière cette identité ? Wikipédia pencherait pour Ted Turner
[11] Nouvel aéroport aux dimensions gigantesques et aux mystérieux sous-sols (l'actuel aéroport de Denver suffisant amplement)

jeudi 10 juin 2010

Kâpîssâ-sur-Cap


Hier soir et jusque tard, j'ai entendu le concert de klaxons animer les rues. Sur le coup, j'ai cru que la crise était finie ou qu'on avait libéré les deux journalistes, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, otages des talibans. Puis je me suis souvenu que l'équipe de France avait écrasé l'Uruguay par un demi but à zéro – les penalties comptant pour moitié. Une vraie fanfare ! Et quelle humiliation pour le pauvre défenseur Diego Godin, victime d'une main bien innocente !
Parc Monceau, on vit Zahia fêter son héros toute voile dehors, tandis qu'à trois pâtés de maisons, le Premier ministre soi-même, peintures de guerre sur les joues, trahissait la liesse du supporter en fin de droit. Pensez, cinq milliards de spectateurs massés dans le fabuleux Green Point, stadium de Cape Town ! Cinq milliards, et des rejetons de millions pour la FIFA. Canton de Zoug, cœur de Suisse, le président de la société Infront Sport & Media [1] titulaire des droits télévisuels de ladite FIFA, Philippe Blatter, neveu de “ Sepp ”, le parrain, chine-chinait sur fond de recette et de début de Coupe tonitruants.
Le lendemain de ce coup d'éclat, l'info s'alimenta d'elle-même, de boucle en boucle, sans lassitude ni retenue. C'était merveilleux. Ce Jabulani, précédemment hautement honnis, révélait toute la science du contre-pied revu et corrigé par Yoann, le beau Yoann. Des troupes françaises basées à Nijrab en Kâpîssâ, à l'arrière-cuisine du Bistrot de Paris à Basse-Terre, partout le même carnaval.
Ça y est ! me lança le voisin.
Je n'osai pourtant pas lui répliquer mes réserves pour le Mexique, le prochain match des Bleus aujourd'hui encensés ; pas plus que sur les sondages de la veille.

Sacré tir ! ajouta-t-il aussitôt.
Je veux, mon n'veu ! lui dis-je, pensant soudain au parc éclairé du canton de Zoug comme à celui du grand rêve de Meaulnes.
La voix, le capital assurance de l'interviewe de Gourcuff donnaient le net sentiment qu'il n'y avait plus qu'un – voire, grand maximum, deux – matches à jouer, et l'affaire était dans le sac : Champs-Elysées, bus à impériale (qu'on s'affairait à apprêter en grande hâte chez Cityrama), Arc de Triomphe pavoisé, copier-coller de 1998.
Domenech se voulait modestement plus modéré, quand bien même lisait-on sur son sourire contenu l'attitude carnassière d'un Napoléon réhabilité. Lui aussi faisait plus grand qu'à l'accoutumée, comme présidentiable, en tout cas fort honnêtement jupitérien ; voilà, un demi-dieu pour un demi-but !
Le regard hébété de Juan Castillo suivant le ballon se lovant au fond de ses filets portait tous les lamentos de la terre. Mais bien lui en valait : à lui seul, plus fort qu'aucune Marseillaise, qu'aucun Appel, il incarnait l'unification cocardière des premiers jours. C'était à pleurer. On avait envie de trinquer avec n'importe qui de ceux que les médias nous renvoyaient. Et même son voisin – las, le mien ne boit plus d'avoir trop bu. Mais bon, il m'a refilé plants de scarole et panier de pois, ceci compense cela. J'avais juste un petit regret, ne pas travailler, ne pas tomber moi aussi en liesse avec les collègues, en foutre plein la gueule à ce connard de goal de mes deux ! Demain, il sera trop tard. Demain, la fête sera déjà l'après-fête, un goût de redite. Demain, d'autres vérités ressortiront, et plus d'une crainte. Tant pis, je me suis plu à savourer l'aujourd'hui qui s'offrait à moi. La météo était moins clémente qu'au Cap, mais tant mieux. S'il fallait une contribution, je leur offrais volontiers ce moindre sacrifice pluvio-nuageux.
Monsieur Yuichi Nishimura avait été intraitable dans la sanction et toute la France l'en remerciait. Il intégrait illico le Panthéon des bons arbitres, pointilleux mais justes. Et Rama Yade, congratulant Gallas en sueur dans le couloir des vestiaires, faisait en quelque sorte amende honorable quant au choix princier des Bleus. Après tout, s'il fallait céder à leurs caprices, autant que ce fût pour un hôtel. Il y avait du consensuel dans cette tape sur l'épaule, mieux, comme un message présidentiel, le soutien de tout un peuple.
… Alors marre de la marée noire, de Gaza et des retraites ! Marre qu'un énième fourgon de la Brinks se soit fait braquer dans les rues de Lyon le soir de France-Uruguay, marre des sempiternels grincheux à tête d'asticot !
Les postes s'éteignirent d'eux-mêmes en rouspétant, ErDF recouvrit son rythme de croisière et la planète ne s'en porta pas plus mal. Intérieurement, quand bien même nous venait-il de faire montre de contrition, nous savions que nous venions de laminer les latinos et ce n'était pas rien. Que les autres en fissent autant !... Et nous, la prochaine fois. Mais avec Carrefour et Toyota, il y avait largement de quoi positiver. Et à moins d'imaginer la girafe Diaby se rendant au stade au volant d'une Yaris de quarante-cinq chevaux, partenaire officiel, c'était pas gagné !
[1] 469 millions d'euros pour la seule Coupe du Monde (60% des revenus de la FIFA), source LMD, juin 2010

Kâpîssâ-sur-Cap

Hier soir et jusque tard, j'ai entendu le concert de klaxons animer les rues. Sur le coup, j'ai cru que la crise était finie ou qu'on avait libéré les deux journalistes, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, otages des talibans. Puis je me suis souvenu que l'équipe de France avait écrasé l'Uruguay par un demi but à zéro – les penalties comptant pour moitié. Une vraie fanfare ! Et quelle humiliation pour le pauvre défenseur Diego Godin, victime d'une main bien innocente !
Parc Monceau, on vit Zahia fêter son héros toute voile dehors, tandis qu'à trois pâtés de maisons, le Premier ministre soi-même, peintures de guerre sur les joues, trahissait la liesse du supporter en fin de droit. Pensez, cinq milliards de spectateurs massés dans le fabuleux Green Point, stadium de Cape Town ! Cinq milliards, et des rejetons de millions pour la FIFA. Canton de Zoug, cœur de Suisse, le président de la société Infront Sport & Media1 titulaire des droits télévisuels de ladite FIFA, Philippe Blatter, neveu de “ Sepp ”, le parrain, chine-chinait sur fond de recette et de début de Coupe tonitruants.
Le lendemain de ce coup d'éclat, l'info s'alimenta d'elle-même, de boucle en boucle, sans lassitude ni retenue. C'était merveilleux. Ce Jabulani, précédemment hautement honnis, révélait toute la science du contre-pied revu et corrigé par Yoann, le beau Yoann. Des troupes françaises basées à Nijrab en Kâpîssâ, à l'arrière-cuisine du Bistrot de Paris à Basse-Terre, partout le même carnaval.
Ça y est ! me lança le voisin.
Je n'osai pourtant pas lui répliquer mes réserves pour le Mexique, le prochain match des Bleus aujourd'hui encensés ; pas plus que sur les sondages de la veille.
Sacré tir ! ajouta-t-il aussitôt.
Je veux, mon n'veu ! lui dis-je, pensant soudain au parc éclairé du canton de Zoug comme à celui du grand rêve de Meaulnes.
La voix, le capital assurance de l'interviewe de Gourcuff donnaient le net sentiment qu'il n'y avait plus qu'un – voire, grand maximum, deux – matches à jouer, et l'affaire était dans le sac : Champs-Elysées, bus à impériale (qu'on s'affairait à apprêter en grande hâte chez Cityrama), Arc de Triomphe pavoisé, copier-coller de 1998.
Domenech se voulait modestement plus modéré, quand bien même lisait-on sur son sourire contenu l'attitude carnassière d'un Napoléon réhabilité. Lui aussi faisait plus grand qu'à l'accoutumée, comme présidentia-ble, en tout cas fort honnêtement jupitérien ; voilà, un demi-dieu pour un demi-but !
Le regard hébété de Juan Castillo suivant le ballon se lovant au fond de ses filets portait tous les lamentos de la terre. Mais bien lui en valait : à lui seul, plus fort qu'aucune Marseillaise, qu'aucun Appel, il incarnait l'unification cocardière des premiers jours. C'était à pleurer. On avait envie de trinquer avec n'importe qui de ceux que les médias nous renvoyaient. Et même son voisin – las, le mien ne boit plus d'avoir trop bu. Mais bon, il m'a refilé plants de scarole et panier de pois, ceci compense cela. J'avais juste un petit regret, ne pas travailler, ne pas tomber moi aussi en liesse avec les collègues, en foutre plein la gueule à ce connard de goal de mes deux ! Demain, il sera trop tard. Demain, la fête sera déjà l'après-fête, un goût de redite. Demain, d'autres vérités ressortiront, et plus d'une crainte. Tant pis, je me suis plu à savourer l'aujourd'hui qui s'offrait à moi. La météo était moins clémente qu'au Cap, mais tant mieux. S'il fallait une contribution, je leur offrais volontiers ce moindre sacrifice pluvio-nuageux.
Monsieur Yuichi Nishimura avait été intraitable dans la sanction et toute la France l'en remerciait. Il intégrait illico le Panthéon des bons arbitres, pointilleux mais justes. Et Rama Yade, congratulant Gallas en sueur dans le couloir des vestiaires, faisait en quelque sorte amende honorable quant au choix princier des Bleus. Après tout, s'il fallait céder à leurs caprices, autant que ce fût pour un hôtel. Il y avait du consensuel dans cette tape sur l'épaule, mieux, comme un message présidentiel, le soutien de tout un peuple.
… Alors marre de la marée noire, de Gaza et des retraites ! Marre qu'un énième fourgon de la Brinks se soit fait braquer dans les rues de Lyon le soir de France-Uruguay, marre des sempiternels grincheux à tête d'asticot !
Les postes s'éteignirent d'eux-mêmes en rouspétant, ErDF recouvrit son rythme de croisière et la planète ne s'en porta pas plus mal. Intérieurement, quand bien même nous venait-il de faire montre de contrition, nous savions que nous venions de laminer les latinos et ce n'était pas rien. Que les autres en fissent autant !... Et nous, la prochaine fois. Mais avec Carrefour et Toyota, il y avait largement de quoi positiver. Et à moins d'imaginer la girafe Diaby se rendant au stade au volant d'une Yaris de quarante-cinq chevaux, partenaire officiel, c'était pas gagné !

mardi 8 juin 2010

L'Anté-titre

Les titres de l'actualité : chapitres exportés au même titre que les épices résumant l'Inde, comme si les Inde se résumaient, se condensaient, s'historiaient en dehors d'une continuité dont personne et tout le monde auraient à la fois la maîtrise et la contrainte. Titrer, c'est hélas ! fausser le temps et la perception qu'on en a.
J'ai de toujours été surpris par notre facilité à intégrer une musique de fond aux scènes d'un film, alors que dans la vie nous sommes définitivement seuls, confrontés aux pensées qui articulent le temps qui passe. Et force est de reconnaître que ça marche. L'intensité, le calibrage orientent facilement ce qui peut ou non perdurer. Que serait Le docteur Jivago sans musique et sans ce titre couvrant toute une vie ? De même que nous suivons les aventures de de Funès dans Le gendarme en balade, de même nous les intégrons en mémoire collective épisodique. Autrement dit, ni de Funès, ni son gendarme, ni Jivago, ni ses amours avec Lara n'ont de vie en dehors de ce chapitre et de la vie qu'on leur attribue. On parle alors d'une histoire, d'une romance, d'un roman, d'un fait, voire même d'une œuvre. C'est là toute l'intelligence du livre et du cinéma, en ce qu'ils sont sporadiquement tenaces.
Entre ces deux extrêmes, la vie et la fiction, nous avons donc introduit, subrepticement glissé l'impossible saucissonnage de l'information. Décrypter l'actualité sous quelque forme que ce soit nous enjoint à nous absoudre de la vraie vie. A tout dire, rien n'est vrai de ce qui nous arrive par canal interposé. Ce qui se passe sur la scène israélienne, au fin fond du golfe du Mexique ou sur les terrains de foot, nous importe pratiquement autant que si c'était la porte à-côté. On intègre ce quotidien dans notre propre quotidien de la même manière que l'on ingère une aventure, un épisode ne nous appartenant pas. Et c'est bien là l'attractivité de cette succession de titres – Forcément, à ce jeu-là, on doit oublier pas mal de choses nous concernant directement.
Le temps est si impalpable qu'il nous a fallu y adjoindre les outils nécessaires, dont l'heure et le pré-découpage. Or, prendre un outil, une bêche ou un ordinateur, c'est s'en saisir a mano. Et du seul fait que la main conduit à manipulation, pourquoi pas à mainmise, la fabuleuse story des titres de l'actualité n'est autre que cela. Et pourtant – bien qu'à le savoir – ça marche aussi ! Comme ne marche que ce qui nous facilite la tâche, nous libère d'astreinte, nous biberonne de bouillie pré-mâchée et nous rend fainéants.
Au vu de ce qui précède, à supposer que j'appose tel ou tel titre, sa dimension sera dès lors perçue comme telle ou telle. Disons, par exemple, que je l'appelle « Titre », on pensera tout de suite argent, Bourse ; « Sous-titre », on en conclura un certain hermétisme : « A mano », on objectera aussitôt l'emphase... etc, alors que le contenu du texte dans tous les cas n'aura varié d'un centiare. Comme quoi le titre dessert si bien l'auteur qui s'en joue que le lecteur qui s'en plaint. Le titre serait en quelque sorte l'accréditement d'une complaisance simpliste, mais abondamment nécessaire : le même texte sans titre rebute le destinataire qui se voit contraint d'en trouver lui-même sens. Finalement, nous réfutons les catégories mais nous ne savons rien faire sans.

Bob Fransen – zphoto.fr
À notre époque de grande communication, nous laissons aux uns et aux autres l'objet même de notre sujétion. À l'inverse, quand l'homme labourait son champ, il n'avait personne pour prendre les rênes à sa place. Il menait fièrement sa réflexion au cœur d'une oraison qu'il maîtrisait de bout en bout. Ainsi avait-il toute latitude pour parfaire sa lente et profonde mastication intellectuelle. En définitive, il abordait les choses en seigneur, savourant dictons, vol de passereaux et rougeoiement d'aube avec égale gourmandise et science. A tout cela, il nous faut la panoplie de l'explorateur moderne : ignorance maladive, GPS et bulletins météo.
Notre tort est de communiquer trop vite, de manière servile et lapidaire. En cela, nous sommes tous des abonnés du prompteur, avec un titre pour chaque rubrique, comme autant de bâtons de marche et d'aveugle pour éviter le casse-gueule, pour parvenir à équilibre, ou seulement nous souvenir que les oiseaux qui chantent ne sont jamais continuellement les mêmes ; qu'il y a un début et une fin.
Nous avons besoin de parties de pêche, de pétanque, de cartes, de jardinage. Nous avons besoin du souffle des autres comme de l'éblouissement d'une gerbe de feu d'artifice. L'anté-titre des choses nous ouvre maintes et une portes de la belle découverte, on s'y croise soi-même dans le regard de l'autre (sans adjonction, ni additifs). Nous le savons : l'esprit d'enfance engrange beaucoup plus vite et durablement que l'âge nous laisserait supposer du contraire.

mardi 1 juin 2010

Tafelfreuden, à table !

Il est toujours une table qui nous sied. Table des humbles, table des puissants, table des négoces et de l'aplomb, toutes légifèrent sur nos assemblées, nos temps morts. Le lit lui-même s'habille de chevets avec regard sur la vie à naître ou la mort à venir. La table est bien plus que l'usage, elle est le don et l'offertoire. Fut-elle de marbre ou d'airain, de tresse ou de bois, elle incarne le Graal des réunions qui s'y tiennent : l'amitié, le partage, l'orgueil, la foi, l'armistice, la peine, la joie, l'espoir, la vilénie, la redondance, le souvenir, la présence.
En se redressant, l'homme s'est aussitôt acquitté de l'assise et de la pierre dolménique ; à peine debout, il s'est assis, comme s'il cherchait à imposer sa supériorité sur l'animal qu'il fût. Un luxe de précaution qui perdure encore aujourd'hui, à prétendre que bosser assis est un travail de fainéant ou de planqué, comme si le bureau devenait aussi discriminatoire qu'un environnement surprotégé. C'est un peu la revanche du laveur de carreaux qui, d'étage en étage, plonge son regard sur la fourmilière immobile qui l'ignore royalement.

Estre pareille
Nous avons tous fait nos gammes sur les pupitres inter-générationnels et gardé de ce temps nos primes fautes ou, à l'inverse, nos antes voies. Nos tables de banquets sont une réponse à toutes nos amertumes, nos divisions. Y prendre place, c'est aplanir bien des pans au rythme de conversations effrénées, de chansons à vivre, de rires communicatifs. Ces tables-là ont les plus éloquentes vertus qui soient. Du sérieux d'une réincarnation chevaleresque, elles abondent en fièvre d'instants privilégiés, hors d'atteintes. Ces tables-là innocentent nos différences, formant de nouveau la classe complice du même événement.


Mais, par-delà ces moments hautement démonstratifs, la table pose l'instance sommitale de l'honneur et du serment : on pense forcément aux Chevaliers de la Table Ronde,
« […] mise en avant par Artus Roy d'Angleterre au lieu de Westmonstier, laquelle est faite en demies losenges vertes et blanches entremeslées, dont le large faisait le bord, et la poincte le centre d'icelle table. Ce qui estoit ainsi divisé par ledit Roy, pour monstrer la grande proüesse de tous lesdits Chevaliers estre pareille, si qu'on n'eust sceu à qui en donner l'advantage, et que l'innocence et l'intégrité du cœur à maintenir et exercer chevalerie, estoit sans tache et en vigueur sans fener ni flaistrir en eux. » [1]
Les bases sont posées. D'honnête à chiche, la table siège alors aux plus hautes destinées, au devenir et à la règle. Ce morceau de bois travaillé inscrit dans le marbre les tables des lois et des sentences, au même titre que Moïse fut vibrato divin. Ce que la Table a retenu viendrait d'une instance si supérieure qu'on ne saurait y remédier autrement que par usure du temps et principe moral. On y érige autel. Il n'est de regarder la table des ministres ou celle, plus heurtée, des négociations. Les flashes immortalisent alors signatures, concessions, voire la préparation d'interminables huis-clos. Plus loin que l'Europe se soit faite autour de tables, elle s'articule autour de noms soudain consacrés, de textes conclaviques “indéboulonnables”. La Table engendrerait maints monstres et droit de cité.
C'est pourquoi, il est indispensable qu'elle regagne de fièvre. Quand je dis indispensable, j'ouvre une porte ouverte. Car à toute démonstration de force, à tout ostracisme “communautaire” succède naturellement ce dépoussiérage frivole qui fait qu'on parvient à oublier ses propres misères. Nous vivons aujourd'hui dans la figuration d'artifices qui nous tiennent la tête hors de l'eau ; et c'est aussi bien que vital. On mange pour oublier sa faim, on ripaille pour répliquer sa verve, on banquète pour unir ses doutes. La table est un instrument de cohésion sociale au moins aussi fort, aussi intense que n'importe quelle élection. Un poulet-frites vaut souvent tous les caviars du monde – la fameuse poule au pot d'Henri IV, malin comme un singe.
De même, on voit bien que les “apéros géants” forment le maillage simplificateur de la meilleure des réponses qui soient à la complexité environnante. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures quand la kermesse offre ses grâces à la populace en crise. La table est une rébellion si ostentatoire qu'à force d'embastiller ses supporters elle finit par faire peur aux instances en place. Des insurrections se font et se défont au gré des fantaisies périurbaines, de la même façon qu'un cache-cache entre police et ravers. C'est une table de débauche au principe vertical : titiller le pouvoir pour des tablettes médiatiques en forme de doigt d'honneur. Et ça marche aussi bien qu'au Village gaulois quand Astérix et Obélix défient le Romain bête.

Lignée...
Je reste persuadé que la table est le lieu sacramentel de l'espérance renouvelée dans la foi du nombre. On s'amuse à trier sur le volet qui en fera partie, on joue de convivialité dans les camps retranchés de la belle amitié (il n'est pas un magazine sans recettes de cuisine). La table voue à l'égoïsme les participants de ce qui est pourtant la plus grande des ouvertures d'esprit. L'ambon, la chaire, le pupitre s'adressent toujours à l'auditoire le plus vaste. En concentrant nos tables en groupuscules ilotiers, nous percevons que la même mer nous environne, nous porte et lange nos espoirs d'horizons bleutés. Ce peut être nos repas endimanchés, nos apéritifs de table basse, le café de nos hôtelleries improvisées, nos piques-niques fantaisistes, nos brioches de quatre heures, nos galettes consacrant roi le père usé mais si souriant, nos dinettes enfantines, l'écrin de nos fiançailles, nos communions, nos conciliations, des paquets de photos se ressemblant toutes.

ombrageuse
Parfois le tabellion s'en tient à la part obscure du dessous de table, comme si ce lieu de jambes, de pieds et de bas-ventres desservait les basses-œuvres de la domination souterraine. Dans cette appenditia cibi, cet appétit dévorant de l'ogre, sommeille l'occlusion comploteuse des larrons préparant un mauvais coup. C'est un peu l'autel des messes noires de la conjuration et de la ruse. Rien ne dit d'ailleurs que la même table ne serve pas de ribaude l'affaire conclue – la ribaude d'une prostituée prise à même la table orgiaque ; comme matière à se mettre à table en fin d'ouvrage.
Nos pubs honorent en quelque sorte la table du grand Chambellan prêt à recevoir ses hôtes et les épater – y compris les piques-assiettes et les parasites. On y raffine de goûts exquis, de fines bouches et de satiété. On y converse d'allusion plus qu'on y soumet son avis. On s'affranchit des laquais avec l'aisance blasée. La phrase est aussi lointaine qu'un secret protocole, sur fond de Matisse et de Stark, paraphe les lieux communs en habit de soirée. Il s'agit plus d'une salle d'attente avec sa table à revues que d'un prétoire à confessions. L'argenterie soutient l'éclat des parures tandis que sous la table tombent les escarpins et que les smokings étouffent leurs pets dans la seule excuse qui soit : ne pas quitter la table avant que l'hôtesse ne s'exécutât. Ainsi, la table de Conforama ne rendra véritablement ses ors que dans les catalogues dont les baies s'ouvrent sur les cocotiers ou la Tour Eiffel. On parlera d'elle comme d'une table de haute lignée et on l'anoblira séance tenante.

Table de patience
Faisons table rase de tout cela et rendons ses noblesses à l'art de la table et de l'artisan : du cuisinier à l'ébéniste, du géographe à l'énigmatique précurseur.
On comprendra de quel bois se chauffent ces derniers, dépliant cartes et planisphères, tables des sinus ou des logarithmes. Cet art-là est autrement conquérant que les tables isiaques d'un culte oublié. On s'y gausse de trouvailles et de génie. Pythagore déclame ses théorèmes, Galilée dénoue ses rêves astronomiques dans les nœuds du chêne, Einstein déploie ses énergies au fil du hêtre, des Nobel sculptent leur science, les militaires scrutent le terrain, les impudents jouent carte sur table, les imposteurs se mettent à table. Ces tables-là n'ont ni bout ni cène. Un simple tabouret, une paillasse, et voilà la preuve par neuf jaillissant des entrailles d'un cerveau carrément bodybuildé.
Table de patience, de travail ou d'impatience, tableau de bord hyper-sophistiqué ou prie-Dieu d'ermite, ils ou elles captivent toutes nos pensées, forment des rizières, des paysages infinis, tantôt plats, tantôt montagneux, escarpés, quasi inaccessibles. On se cogne à la table, on se heurte à son immobilisme de page blanche. La table nous conduit à l'habitude des grands vieillards, au retranchement abyssal de notre propre solitude, d'une autonomie délivrée une fois pour toutes ; quand bien même les mises à jour, les formations, les analyses graduelles nous portant à l'inatteignable illusion d'un savoir passager. Si passager que, sous couvert de Parkinson et de mémoire dérangée, les vieillards en rient. Mais ce n'est pas cela, ils rient jaune à mesure que leur tablette de lit se vide pour ne laisser place qu'à l'essentiel : un dentier dans un gobelet, une paire de lunettes, un verre d'eau.

Avant qu'elles ne s'en aillent
La table boucle ses cycles de vie dans ses propres mobiliers mais également dans ses étapes, ses successions. On l'embarrasse de tout et de rien, de trucs de vide-grenier, de dossiers sans importances, de bazars de récréation, de livres savants illisibles, de pots à crayons, de souris compulsive, d'index numériques, de machines communicantes, de calendriers, de dessins ou de mots d'enfants, de cadres, de cartes postales, de vieux bijoux, de journaux épars, de loupe, de papiers sans queue ni tête, de fleurs fanées. Elle devient une table d'orientation propre à soi, à seule fin d'ouvrir des horizons, d'abattre des cloisons, de guider la pensée et de nouer des liens. On dit alors qu'on met – ou remet – le couvert, et toujours quelqu'un au tablier brodé pour crier joyeusement « À table ! » ; comme une levée des couleurs, un rassemblement, l'invite d'une nouvelle tablée, changement d'atmosphère, de planche météo. Finalement, le cœur des choses avant qu'elles ne s'en aillent.
[1] Nicot, Thresor de la langue française, 1606, page 614