vendredi 28 janvier 2011

Pipeule Greunge



D'autant que vous me connaissez, j'adore les croissants. Surtout quand ils sont chauds ; je me répète mentalement les mots de Bardamu : « On pouvait s'y laisser approcher par l'illusion d'être à peu près tranquille et croûter par exemple une boîte de conserve avec son pain, jusqu'au bout, sans trop être lancinés par le pressentiment que ce serait la dernière » [1]. Mon père disait cela à sa façon : « Encore un que les Boches n'auront pas ! ». J'aimais bien. Ça aide à digérer, à apprécier.
C'est après que les choses se gâtent, quand on en vient à parcourir la presse, et qu'en plus l'on s'aventure outre-Atlantique : côté déballage et pipeule greunge, pas dans la demi-mesure. Pratiquement l'idéal pour se dessiller les billes.


Associated Press
Ce 25 janvier 2011, sous la plume acerbe de John Heilprin, j'apprends que les deux-tiers du Fond mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme partent en fumée ; les deux-tiers de 21,7 milliards de dollars faisant 14,466 milliards. « Eaten up by the corruption », comme ils disent (67% de l'argent consacrés à un programme anti-Sida en Mauritanie, 36% d'un programme pour lutter contre la tuberculose et le paludisme au Mali, 30% de subventions à Djibouti, 3,5 millions de dollars en Zambie... envolés, dévorés). Partis en fumée, pas vraiment. Puisque les traitements, les médicaments ainsi reçu gratuitement sont revendus au marché noir.
Enfant chéri de l'actuel Forum de Davos cette semaine en Suisse [2], ledit fond est soutenu par des personnalités comme le chanteur Bono, Kofi Annan, la première dame de France Carla Bruni-Sarkozy, Bill Gates et madame... mais bizarrement lâché par d'autres (la Suède, « préoccupée par de nombreuses irrégularités », à hauteur de 85 millions de dollars). Il faut dire qu'au Mali, le ministre de la Santé, soi-même, a dû démissionner, en Mauritanie l'argent servait à acheter des motos et des voitures; sont également concernés la Côte d'Ivoire et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Fond étant incapable de maîtriser ce qui devrait normalement soigner et guérir des milliers de gens.


Bono © Aids Fund (agrandissez)

À la suite de cet article, l'Allemagne a décidé à son tour de geler son aide de 211 millions de dollars.

24 janvier 2011, Raphael G. Satter d'Associated Press nous apprend qu'il est parfois quelques banquiers couillus, n'hésitant à payer de leur personne pour dénoncer la corruption. Rudolf Elmer, ex-responsable de la banque suisse Julius Baer aux Îles Caïmans a révélé l'identité de 2.000 titulaires de comptes « évadés fiscaux ». Il a ainsi fourni deux CD d'activités financières illégales au fondateur de Wikileaks, Julian Assange.
« Lorsque vous accédez aux postes d’encadrement ‘senior’ avec une expérience internationale, comme ce fut mon cas, que vous appartenez à ce cercle restreint, alors les choses deviennent beaucoup plus claires. Vous faites partie du complot. Vous comprenez la vraie nature des produits et des services proposés (à la clientèle) et pourquoi ils sont si chers. Tout tient dans le secret bancaire qui permet aux pratiques criminelles de prospérer. »
Qu'importe, la justice suisse vient de tranché : L'ex-banquier a été condamné, ce 24 janvier, à huit mois de sursis pour violation du secret bancaire ; non mais !


Daily News
23 janvier 2011, Barbara Ross.


Alec Baldwin © Peta's 30th Anniversary gala Los Angeles (agrandissez)

Voilà t-y pas qu'Alec Baldwin ne veut plus payer ses impôts. Tiens donc ! Et de prétendre qu'il n'habite pas sa résidence cossue de Central Park West, mais que le district des « Hamptons est [son] port d'attache ». Qu'est-ce qu'on ferait pas pour ces foutus impôts ? Because ceux des Hamptons de Long Island sont “ridiculement” modestes comparés à ceux de New-York. Et ce, d'autant que l'actor ne dépasse pas le cap fatidique des 183 jours [3] qui feraient de lui un contribuable en puissance. Petit hic, New-York et le pays ont besoin d'argent, alors mission est donnée aux 189 nouveaux inspecteurs de battre le pavé et de détecter les fraudeurs au nombre de jours : reçus de carte de crédit, de banque, de téléphone, dossiers informatiques des médecins, tickets de parking, contrats de location, tout y passe. Bonne foi ou pas, Alec Baldwin se débat comme un beau diable pour « sauver 27 millions de dollars ». Pas de petits profits !

Daily Mail
Larry Page et Sir Douglas Meyer qu'ont-ils en commun, sinon ce magnifique yacht à 45 millions de dollars que le cofondateur de Google a racheté d'occase, ce 12 janvier 2011, au brasseur Neo-Zélandais. Là encore, pas de petits profits pour le jeune milliardaire. Entièrement réaménagé par Philippe Stark, le navire de 193 mètres comporte cependant un héliport, une salle de gym, dix suites de luxe, des ponts solaires multi-niveaux, et pas moins de 14 personnes en assurent le fonctionnement. Ce qui, comparé à l'article suivant, s'avère plutôt un bon placement.


CNN
6 janvier 2011, plus belle la vie. Ash Bankz, journaliste de son état, et Sean “ P. Diddy ” Combs, chanteur de rap ? Le premier tentant de répondre à la question : « Qu'est-ce que vous obtenez lorsque vous combinez les dernières technologies nautiques et un iPad d'Apple ? ». Réponse : « L'application la plus exclusive qui soit au monde ! ».


Diddy Yacht © IFWT (agrandissez)

Traduction : un logiciel personnalisé d'Apple permet aux passagers de pouvoir tout contrôler à bord du Solemates [4]... au moyen de leur seul iPad. Pour 840.000 dollars la semaine, le rappeur et sa famille s'amusent comme des petits fous avec les stores, la climatisation, l'éclairage à 80.000 dollars, la bibliothèque des musiques, le mobilier ultra-lux, les jacuzzis, les écrans de toutes sortes, les panneaux solaires, la salle de sport, la discothèque, le trampoline gonflable flottant pour les enfants, les planches de surf propulsées par un réacteur, le mini sous-marin Sea Bobs, le système de douche d'aromathérapie (eucalyptus, aiguilles de pin, agrumes et menthe poivrée). Se pilotent également d'une manière plus traditionnelle, le petit personnel dont un chef cuisinier qui a travaillé dans les meilleurs restaurants de Paris et de Londres, une hôtesse parlant cinq langues et une autre qui fait également office d'infirmière spécialisée en cardiologie (sic) – certainement pour palier à toute défaillance du rappeur quand vient le moment de payer la note à l'armateur allemand Lurssen.

Yahoo! Music
13 janvier 2011, Billy Johnson Jr.
La note, quelle note ? Pas de souci de ce côté-là pour Sean “ P. Diddy ” Combs le rappeur – que personnellement j'ignorais jusqu'alors. Voici quand même à quoi ressemble son appartement new-yorkais de 1.435 mètres carrés :


hiphopdiddyapart© Yahoo! (agrandissez)

« Jouant sur la palette des couleurs neutres, argent, fumée, crème et verre », via 17 millions de dollars, le concepteur Benjamin Noriega-Ortiz, s'est bien lâché. Passons sur les détails du palais coincé entre la 74ème et la 75ème avenue, Pharrell Williams, Kanye West, Lil Wayne et Common, tous chanteurs hip-hop and NERD pourtant sacrément lotis, en pâliraient d'envie.


Golf.com
Ça, c'est seulement la résidence secondaire de Michael Jordan, encore en travaux ce 16 janvier 2011. Elle jouxte pratiquement celle de Céline.


Jordan Florida © JeffRealty.com (agrandissez)

Situé à proximité de l'un des golfs les plus huppés de la planète, le Jack Nicklaus de Jupiter Island en Floride, le manoir de Jordan s'étire sur 2.600 mètres carrés “habitables”.
Et Mike Walker, journaliste à golf.com, de s'en offusquer :
« Je me moque éperdument que ce soit l'un des plus grands athlètes qui ait jamais vécu. [fâché, le Mike] Aucun être humain a besoin de tant d'espace, et aucun individu, si riche soit-il, ne devrait être autorisé à gâcher tant d'argent pour assouvir ses extravagances personnelles. »
Cher Marcheur, vous devriez pourtant savoir que Jordan possède, en plus, une résidence principale de 2.700 mètres carrés, appelée Architectural Estates [5], à Highland Park en Illinois... où il a fallu transplanter 200 sapins adultes à 10.000 dollars l'unité. Bof, à ce stade.

Et pendant ce temps, des révolutions se mettent en place, des bastions s'écroulent. Souvent relayés par la tribune d'Internet. En ce début d'année 2011, nous sommes 2 milliards d'internautes à échanger des ceci et des cela ; un tiers de l'humanité, 28,76 % pour être précis. C'est dire que nous passons en moyenne 10% de notre vie sur le Web, à dénicher, émettre, transmettre, répondre, propager. Et il n'existe pas de bouton rouge capable de couper la voix ; encore moins celle des 5 milliards de mobiles. Il y a belle lurette qu'on nous aurait déjà cloué le bec.
10% à jacter donc, 30% à dormir, 45% à travailler, reste plus bien de l'affaire pour s'occuper de sa famille, pêcher, partir en vacances, se balader, jardiner, peindre, glander, jouer à la pétanque, refaire la chambre du petit, vivre.
« Avec ça, vous reprendrez bien un croissant », qu'y me dit.




[1] Voyage au bout de la nuit, L.F. Céline, Folio 1972, p.49
[2] Du 26 au 31 janvier 2011
[3] 182 jours à New-York, je ne paie pas d'impôts à NY ; 183 jours et plus, je paie des impôts à NY
[4] http://yachtsolemates.com/
[5] http://outhouserag.typepad.com/.shared/image.html?/photos/uncategorized/jordanhouse.jpg

mercredi 26 janvier 2011

Festive à mot



Les mots ne sont rien sans l'absolue nécessité du cœur que l'on y met, à les lire, à les écrire. Voilà toute leur force, leur congrégation. Mais à les savoir plus intimement liés à la parole qu'à toute pensée, c'est et ce sera de toujours leur grande faiblesse. Savoir ce qu'un homme – ou soi-même – a dans le crâne et penser pouvoir le rapporter relève de la gageure. Combien les mots forcent-ils le respect, qu'ils ne peuvent aucunement s'affranchir de tout.



Certes, on peut tuer avec les mots – L'Affaire Saint-Fiacre de Simenon – ; certes, on peut indifféremment et selon les époques aimer, combler, haïr, proscrire, corrompre, que sais-je encore avec les mots ? Certes, on s'accommode de figures de style (métaphores [1], circonlocutions, art comblé du remplissage), de points de suspension ; on noie le poisson par des périphrases, des alambics imagés, des ellipses soutenues. Mais quels mots aboutés, quelle mouture pour transcrire et tourner, comme un potier le ferait, le moindre épisode jusqu'à plus complet panoramique ?
Las, quel que soit le paysage dans lequel ils s'ébattent, si vaste soit l'arène et quand bien même leur ouvrirait-on des brèches migratoires, les mots ont pour limite ce presque rien que la pensée leur soustrait sitôt passée la clôture. C'est un papillon qui vagabonde et disparaît sans qu'on y prenne garde ; ce sont les amours masculines du paon poussant ses « Léon » à l'adresse de madame. On voit également Élisée Reclus [2], chantre des rus, s'éprendre du charme d'un scintillement tout proche comme d'un gazouillis moussu qu'un cri de buse emporte loin.


Murmure
Les mots sont une œuvre, et comme toute œuvre, à jamais imparfaits. Rapportés à leur auteur, ils ont tout ce qu'il y a de plus humain, au point de naître et de mourir. Un tiroir, une étagère, un marbre pour claustration, ils ont cependant à leur compte les plus belles phrases que l'humanité se soit dégotée. Ainsi le mot abandon, un des premiers du dictionnaire, choit de lui-même en mille et une formulations si bien adoptées par l'amoureux éconduit, par le juriste prudent, le journaliste vivant son étape que par la ruine en demeure ou la Belle au bois dormant ; mais d'aucuns n'assènent semblable justesse :
« Oui, admet tristement Marie-Anne Piéton, c'est le début de l'abandon ça de n'avoir personne qui vous regarde dormir. » [3]
Elle est là, au repos de son écrin poussiéreux, la phrase qui meurt elle-même d'abandon. Et qui pour l'en déloger, s'en délecter, puisque d'autres mots, d'autres combinaisons, d'autres clones, aujourd'hui ou demain, useront de palimpseste pour s'approprier quasi à l'identique la parure ?
J'ai comme ça un cahier anti-oubli que je relis de temps à autre. Ma mère faisait cela avec ses bijoux, mon père avec ses sachets de graines, et comme eux, je garde cela de par vers moi, faisant des tas, des legs. Mais ces rivières – soyons modestes –, ces pousses, ces associations de mots, si elles correspondent à un moment donné à tel plutôt qu'à untel, n'ont rien de définitif, d'arrêté. À preuve, je ferme le cahier et l'ouvre quelque temps après, plus rien n'est pareil. Les mots ont séjourné dans leur propre alchimie, l'or n'est plus le même.


À mur perdu
Derrière le mur, on l'a vu, il y a une vie, une espèce de récré où s'ébattent les ribambelles joyeuses. On entend des cris d'hirondelles dans le rase-mottes des tilleuls. Un marin souffle l'Autan et le soleil darde si haut qu'on ne le sent pas. C'est l'heure où les draps flottent au vent. Des mains familières saisissent une bêche au vol, les baies poussent les haies et l'anis affolent les guêpes. Les nains enivrés assemblent leurs mots comme on pave une rue sur lit de sable. La grande ménagerie prend place et l'on voit des dromadaires d'Orient brouter les cressonnières, des singes savants s'époumoner, des cerf-volants bruire sous le vitrail de leurs ailes, des émeus jacasser dans la parodie de leurs cous agités. Là-bas, un bébé pleure sa faim, un boulanger klaxonne ses ouailles. Au plus près, des hommes forts tendent le chapiteau, plantent le décor, toute leur science.


Affiche du Festival du Mot de La Charité-sur-Loire (Cliquer)

Et si c'était tout bêtement cela, la Terra Incognita, l'Eldorado dont parlent les géographes du roi, cet inconnu, insatiable terre d'explorateur ?
… Le Nereus s'enfonce dans les profondeurs abyssales et remonte sitôt à la surface, à flanc de n'importe quelle île. Le damier des champs de coteaux, l'homme courbé sur sa rizière ne le voit plus, brisant son dos à l'ombre de sa solitude. Mais il est là, qui prend soudain vie, comme jailli d'un roman de Cheng ou de Hougron. Le tour du potier tourne à plein, les doigts lissent un chagrin, celui de l'enfant mort, fredonnent une comptine dans la suie des rangs de riz. Deux minutes avant, l'homme n'existait pas, les mots s'en fichaient comme de l'an quarante. Qui était-il, où était-il ? Derrière le mur ? Bientôt, il aura son amour de jeunesse à qui il écrira ce que femme désire. Il aura été pêcheur puis maçon, laissé pour mort un soir de désolation, aura croisé son ange.
Cette fois le Nereus s'élève, devient géocroiseur, visionnaire de la folie des hommes. Depuis l'espace polaire, tout paraît calme, inanimé, alors que ça bouge en tous sens, ça vaque et ça vient dans l'alternance des jours et des nuits. À court de blé, des guerres étouffent dans l'œuf, des prédicateurs essaiment leur don, un romancier monte sa mayonnaise, des destins se recoupent et les longs courriers éraflent le ciel de l'Eyjafjöll. Tout là-haut, l'homme-dieu devise sur les mégapoles chauffées à blanc, c'est la position de l'écrivain sur son nuage.
Son Nereus ne le trompe jamais ; et mettons qu'il le fasse, le lettré s'en accommode, biffe, souffre, pose tout à plat et recommence.


Les nains au pied du mot
Les signes ont leur ADN. C'est un lacis serpentiforme qu'emprunte la noria des camions de minerai. Poussière, pluie, vent, froid, la puissance des engins s'arrange de tout. Et ça n'arrête jamais – l'avidité des nains qui n'ont de cesse d'écarter et de damer le sable, sans doute. Les Disney Guys, eux aussi, ne reculent devant rien. D'un trait de gomme, le bureau d'étude définit-il une autre stratégie, qu'ils repartent aussitôt à l'assaut de la nouvelle route, du monument. À se demander quand ils mangent et dorment. Ils parlent tous le langage des signes.
Ah ! Faut-il les voir applaudissant et se congratulant pour un montage réussi, le mot juste, le dernier, la trouvaille. La troupe heureuse suspend son travail, marmonne la mélopée conquérante, son refrain.
Il est comme ça des passages radieux, bâtis non pas sur le rubis ou l'opale, mais avec du tout venant, des mots de tous les jours qu'on trouve partout, dispersés dans les journaux, les modes d'emploi, les codes, les répertoires.
La pie-grièche du guide du promeneur et le jonkheer du nobiliaire n'avaient rien pour se plaire, quand leurs chemins vinrent à croiser celui de nos cantonniers. Les bonshommes, interloqués par tant de perplexité – ce n'est pas tous les jours qu'un nobliau s'éprend d'un écorcheur de passereaux –, sans souci de la pensée qui ne manquerait de naître, firent de Cateau-la-harpie, La mégère apprivoisée, douce Catharina qu'épousa Petruchio, le gentilhomme. Et l'on vit maints publics applaudir et congratuler les nains besogneux à qui Shakespeare, soi-même, exprima sa gratitude.
Il est comme ça de belles rencontres, autrefois rendues à dos de mulet, plus motorisées de nos jours, mais provenant invariablement du même matériau. Les textes que l'on se refile de génération en génération, ne sont pas nés récitations ou dictées comme on sort de la cuisse de Jupiter. Ils furent d'abord de simples cailloux, des grains de sable qui se mirent à enrayer le mécanisme, comme pour dire au deus ex machina : « Stop ! Lis et vois comme c'est beau »... Un coup de soufflette, et voilà le message papillonner ailleurs [de buddleya en prunellier, souvent le flambé entrouvre ses ailes au repos, petit battement de cœur que les enfants cherchent pieusement à enfermer dans leurs mains jointes. Mais à peine lu, le machaon porte sa ronde plus loin ou plus haut, à l'envi].
Et qui écouterait bien, serait surpris du rire des nains, de ces petits riens qui les amusent tant.


Prière murale
Les mots adossent leurs maux dans les fentes du mur. On dirait des prières, des bouts de papier qu'on glisse sous le socle des saints, des mouchoirs blancs que le vent égraine en lambeaux. Comme de croire que la Terre est ronde alors qu'on ne sait même pas ce qu'emportent les montagnes, fariboles ou sarabandes. Mots et vents s'acoquinent dans des feulements que l'on prête souvent aux loups, aux mélèzes vêtus de fantôme, à ces étendues de neige qui soufflent aux ramées des contes. Les maisons sont basses de toit, fessues, fenêtres amaigries fermant d'un seul battant. Les hivers et la flamme pour toutes distractions. Le livre pour chapelet, pour ainsi dire. Les nuits sont fines comme les portes d'un mouroir, un tranchant de lame persifle son trou de serrure, tire les couvertures.
C'est la saison noire des rats, des tic-tac d'horloge. La lande n'a de compte à rendre à personne, pas même aux yeux perçants qui scrutent une oreille bouger. Pas même le temps de souffler pour une brassée de bois, un seau. À peine sorti qu'un violon déboulant de sa gorge entame sa frénésie. Mais qui pour vivre là, que les satellites ignorent ?
Grand Terre, jusqu'à la phonétique du nom, à la dérive de son propre continent, Grand Terre se terre. Sa coque grince de toute part, abrutie de tempêtes, de silences peureux, d'interstices maléfiques. Vol de nuit permanent. Grand Terre, comme la face cachée de la prière, sans autres meurtrissures que le nu revers de son impatience. Le chien laineux rentre ses pattes et l'homme aux lèvres scrofuleuses mitonne sa peine pour une chanson de Ferrat, un roman de Giono, un scénario [4].
Ces mots-là sont tout le contraire d'une banderole tractée par un avion. Ce sont des mots pour une Parole, cet archange que l'on voudrait voir clouer le bec aux démons et rendre justice sous le calendrier des Postes de La mer vue de la Promenade des Anglais.


De Festive à Mot, et plus encore
Mais juin viendra où les mots auront de nouveau droit de cité.
Chaque fois l'an, en lieu de son Fol été, voit-on François de Sales, saint patron des auteurs, rivaliser de saint Vincent vigneronne pour le plus grand plaisir des dégustateurs, des curieux. La bouche charnue, le nez floral, le corps ample, rond de palais, l'attaque légèrement empyreumatique et la finale épanouie des vins de pays, La Charité élève ses mots comme d'harmoniques cépages d'où émergent les crus.
Tiens. Les élèves en ateliers vagabonds, les récitants en comités, les idées en fouillis mêlent leurs mots dans des cornets à dés qu'ils jettent sur le papier. Les murs s'éclaboussent alors de mots d'esprit, des phrases longues comme un jour sans Proust se perdent à même le pavé. Des éclats de Loire s'écoulent au fil des mots, passent le pont de pierre jusqu'à Saint-Nazaire, l'Océan.
Sculpté, à consommer ou à emporter, quatre à quatre ou plus posément, on n'en est pas moins mot que les idées s'agencent avec pignon sur rue. Chapeau melon, boubou multicolore, arlequin et confettis, le mot s'engaillardit de promptes gauloiseries avec Desproges, tambourine aux portes, théâtralise un porche avec Hugo, ouït avec Devos, vampirise un jet de star, lutine avec Bedos, poétise sa négritude avec Senghor ou Césaire, filtre ses Rey. La Ville du livre comme Folon l'eut aimée : un ouvrage que le vent feuillette depuis les remparts en colonnes montantes, la compagnie des mots, petits ou grands, inconnus ou incollables, bariole le ciel, et cette pluie que l'on appelle de ses vœux.
Retraite, Biodiversité, Grippe, Pauvreté, Neige, Révolution piaffent déjà, que les distingués des années précédentes – Précarité, Respect, Bravitude, Bling-Bling, Parachute doré, Dette – tiennent chapitre et dispensent à leur poulain les conseils d'usage :
« Attention, les gars ! Gars ou filles, je parle des mots en général. S'agit donc pas de vendre la peau de l'ours. Le prieuré, ils ont mis des siècles à en faire ce qu'il est aujourd'hui, classé à l'UNESCO et tout le fourbis. Alors, non seulement la Capitale des mots vous attend au virage, mais c'est toute la cité monastique qui a les yeux braqués sur vous ! »
Et de la tenue, les mots n'en manquent pas. Les semaines précédant la date fatidique, ils astiquent leurs cuivres, briquent leur cédille, leur tréma, veillent tard. Tous s'apprêtent dans des atours choisis.
Les ramasse-monnaie raflent la mise pour une consonne doublée, et pour une voyelle les enjolivements font maints ronds de jambe aux assonances. Réclamant deux “ l ” farcis totalement illusoires, trois points par-là, les discours, eux-mêmes, s'amincissent.
À lui seul, le mot conquiert ses lettres, portrait croqué à l'ancienne où l'on verra plus d'un passant, tout au long de l'année, lever son lièvre.






[1] « J'ai bon caractère mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre sur la vieille buse !
- C'est chouette ça, comme métaphore.
- C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
- Oh fait pas chier !
- Ça, c'est une métaphore.
»
Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages, film de Michel Audiard, 1968,
dialogue entre Bernard Blier, Jean Saudray et Dominique Zardi
[2] Histoire d'un ruisseau, Élisée Reclus, Babel 2005. Le livre commence ainsi : « L'histoire d'un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l'histoire de l'infini ».
[3] Le veilleur du Britania, Philippe Rontier, Stock 2005, p. 146
[4] Citons Une hirondelle a fait le printemps, film de Christian Carion, 2001, avec Michel Serrault, Mathilde Seigner, Jean-Paul Roussillon

mardi 18 janvier 2011

Men Dark Side



Il est parti là, comme à son habitude, sur un coin de nuage. Sur le coup, je ne l'ai pas cru. Je n'ai même pas cherché à le croire. Qu'en savais-je, moi, d'où il venait ? On entend tellement de choses, de bruissements qui deviennent tempêtes.
Il doit avoir l'âge de mon père quand j'ai eu son âge. Il a tous les âges, revient de tout. Mais ce qui me plaît
chez lui, c'est sa faconde. Il sait tout et le raconte si bien. C'est à dormir debout.



Rabicoin – 1881 [1]
Il n'existe pas de boutique, et c'est un tort. « Le magasin des mensonges, maison Rabicoin, depuis 1881 », un truc dans le genre, assis, respectable comme un parfum. Mensonges d'anniversaire, petits mensonges entre amis, notre top ten du mois, mensonges de vertu, mensonges de faire-part, mensonges d'absences, rayon cruauté et mésalliance, rayon jeunesse, nos incunables et pièces rares, sets de vacances, mensonges de chevet, mensonges pour nuls, pour ecclésiastiques, en 21-29,7 certifiés conformes, à l'Italienne... La porte fait son ding, le personnage discret derrière son comptoir lève à peine les yeux. Le parquet craque, sent légèrement la cire, de fins rideaux préservent du dehors : on entre comme chez tante Marthe ou sœur Gladys, sur la pointe des pieds, avec l'assurance de trouver son bonheur – madeleine et tasse de thé, joli napperon.
Une douce fièvre devance l'excitation. Pensez, c'est la première fois... En magasin !
« Vous cherchez ?
Vous avez de bien belles choses...
Sans doute est-ce pour offrir ?
Oui, un accident de la route... La personne (mon beau-frère en l'occurrence), clouée en fauteuil pour le restant de ses jours... Il ne le sait pas encore.
Je vois.
… Quelque chose de simple, de pratique. Le prix n'a pas d'importance.
Cela va de soi. »
Le vendeur quitte son journal, rubrique faits divers et chiens écrasés comme tous les matins, il s'absente en réserve, n'en a que pour quelques instants ; une perle livrée d'hier au soir. On se prend d'aise à déboutonner son manteau, furetant et découvrant de singuliers coffrets deux-en-un : s'élever par le mensonge, ne plus mentir pour mentir, assurance et mensonge, vérité bien ordonné commence par soi-même, mentir comme, flatter gagnant...
Le vendeur est à son article, il déballe ses nouveautés :
« Quel âge, m'avez-vous dit ?
La quarantaine tourmentée, si vous voyez ce que je veux dire.
Dans ce cas, ces deux ou trois pièces d'orfèvrerie. Garanties tirage à part, fermoir à l'ancienne, authentique ivoire. J'irai même plus loin : pour ce genre de mensonge, la maison Rabicoin s'engage à la formule crédit illimité. Vous savez comme moi qu'un mensonge en appelle un autre, et cætera. Avec cette formule, plus de soucis d'invention, tout est compris dans le pack.
Ah, oui, quand même !
C'est un investissement de départ, je vous l'accorde, mais facilement amortissable. D'autant que c'est pour offrir, un proche, m'avez-vous dit ? »
Et l'on ressort expressément heureux, balançant son paquet cadeau et se prenant à chantonner la réclame Rabicoin connue des initiés : « Mentir vrai. Rabicoin - 1881 » sur carte de visite gravée or.
Oui, heureux qu'il y ait encore des maisons de qualité, véritables piliers de la tradition, repère unique dans le grand foutoir du mensonge éternel.


Rubicond
Parce qu'à tout dire, qu'est-ce que le mensonge peut tuer d'illusions ! Il ne fait même que cela.
… Et ça soûle. Ça fout le bourdon et ça se prend pour rubicond, quelque chose de sanguin comme né des dieux, avec un agenda, un carnet d'adresses, une vie grands comme ça, des aventures à n'en plus finir.
Ça déborde, ce n'est plus l'histoire de la goutte d'eau – le Pacifique dans la coupe de James Bond !
Le plus gênant, c'est pour soi. Pour ce sourire en coin qu'on s'efforce d'arrondir, pour le masque en écho du mensonge en pleine poire, les billes grandes ouvertes, atterrées. La mythomanie n'a rien pour elle, pas même l'intonation, l'emphase, la circonvolution. C'est creux, bourratif, et ça emmerde tout le monde. Quoi de pire qu'un repas de noces avec, pour jactance, une grenouille ampoulée à côté de soi ; quoi de pire que l'auto-médication du mensonge qu'on ne devrait délivrer que sur ordonnance ?
Tonnes de mensonges ras bord les rayonnages de bibliothèque ; mensonges de table ronde au kilomètre ; mensonges costard-cravate institutionnalisés ; mensonges de ce que la bonne foi d'hier prônait : l'alambic gruge à plein régime. Les scientifiques promettent toujours plus omettant de dire les dérives, les consensus, ne seraient-ce que les errements et les tâtonnements, les découvertes qui relèvent plus du hasard que de la contribution. Qu'en savent-ils vraiment d'alzheimer, de la matière noire ou du Mediator ? Les militaires, qu'en savent-ils vraiment des peuples et de la paix ? Les politiques de la société ? Les technocrates de la meilleure économie ? Les publicitaires de nos goûts ? Les architectes des tremblements de terre ? L'informaticien de ce qu'il adviendra d'Internet ? À se demander comment décollent les fusées... quand les joints ne cèdent pas.


Le côté obscur des arbres, création de Gilles Tran
© 2002
www.oyonale.com (cliquer)

Combien de scandales n'ont pas mis à jour quantités de mensonges, de certitudes d'opérette ? Qui peut dire ce qui se cache dans un cerveau, qui peut dire la nature humaine ? Oui, nos désillusions ?


Un monde de stars
Un directeur de prison se prend les pieds dans le tapis de sa libido et séduit six favorites d'un harem pouvant en accueillir 74. Le soir venu, son épouse lui demande sa journée tandis que son fils pousse la voiture de papa en miniature :
« Oh, rien d'extraordinaire, ma chérie ! Deux pipes, deux commissions de discipline et un blâme. Je prendrais bien un petit whisky. »
Pas mieux qu'un footeux millionnaire, pas mieux qu'un tyran démocrate, qu'un voyagiste low-cost. Qu'un constructeur en zone inondable, un faux-cul présentant ses vœux, un sondeur patenté, un fil à plomb dans les mains d'un informateur, un auteur à nègres. Le mensonge, comme un ferment lactique qui louperait sa sauce. Le mensonge, sans plus connaître de source que la parole, ses verbiages et ses non-dits. Art majeur de la tromperie, avec ses ponceurs sur soie, ses brutes épaulières ; j'ai bien peur que nous mentions tous à des degrés de blessure voulus ou non. Tantôt indic, tantôt falsificateur, toujours sur le qui-vive, s'éveillant et prenant ses rêves pour des réalités.
« Ce qui fait cette fausseté si universelle, c'est que nos qualités sont incertaines et confuses, et que nos vues le sont aussi. »
Le mea-culpa de La Rochefoucauld [2] n'innocente malheureusement en rien cette pauvreté d'esprit qui consiste à se croire autre que ce que l'on est. C'est le triste constat du singe qui sommeille en nous : le cul à l'air cherchant fébrilement dans le miroir l'image du roi sur son trône.
Suffit-il pourtant d'ouvrir le premier dictionnaire venu pour voir que Mentir se conjugue comme Partir, que le Mensonge côtoie indifféremment le Méphistophélique Mental comme le Menu Mépris. C'est cela. Battant en retraite dans le trépan des « Âmes grises » [3], quels que soient l'aversion ou le motif, abouté de certitudes, le mensonge est plus qu'un mot, c'est un monde. Un monde en surbrillance avec ses stars, ses aficionados, ses stratèges, ses rapaces, corrupteurs appointés qui ne manquent jamais de sauter dès que ternit leur étoile. Ils servent à cela, à créditer d'honnêteté le parterre et tout le poulailler.
Sommes-nous au moins riches de cette voûte fabulatrice couronnant le ciel de son inestimable apparence, vaste et sombre parapluie sous lequel nos sociétés s'abritent de leurs bouc-émissaires. Il faut toujours et toujours un responsable, un fusible, un lampiste, un bûcher. Sans doute pourquoi les mêmes parapluies portent en leur sommet une sorte d'épieu.


Vois
Mentir, se mentir, à toutes les personnes – je-tu-il-on... –, à tous les temps, au figurez-vous, par nécessité ou par oubli, par silence ou par amplification [4], par provocation ou dédain ; le mensonge n'a ni boutique, ni cadavres se balançant au vent. C'est juste l'intimité, l'eau frelatée dans laquelle nous baignons de complaisance. Tout un travail de coulisses, répétiteur et maquilleuse compris. Les biologistes parlent alors de polyembryonie parasitaire, les médecins de patients et les avocats de clients.
Mais vois qui ne ment pas et dis-toi que la vérité n'est qu'une parmi tant d'autres. Ton étonnement qui cache un cri d'orfraie, ton indulgence qui masque ta répulsion, il y a toujours un pourquoi et un je-ne-sais-quoi, petite voix de crécelle, coup de coude complice... Même la beauté paraît suspecte, comme mensongère d'on ne sait quoi, du cœur ou des entrailles ?
La vérité nous arrange quand ça nous arrange, suffisamment exsangue pour nous y faufiler. C'est le chas du chameau par lequel nous passons de fil en fil, de point en point, de couture en couture... et au final fait de nous de poncifs centenaires.
Ainsi pris entre deux eaux, entre noirceur et optimisme, La Palice, en son temps, se demandait déjà s'il n'y avait d'autre choix que notre propre voie. Prédicat tautologique ou proverbial, le risible de tout cela fit de lui un maréchal de France, un guerrier hors-pair.
Alors... Si la racine du Men-tir, du Men-songe se met à magnifier le côté obscur de hommes, où allons-nous ?





[1] Cette date plutôt qu'une autre, comme un Cerruti ; mémoire aussi de l'occupation de Tunis par les troupes françaises, événement qui provoquera la chute de Jules Ferry (source Wikipédia)
[2] Réflexions diverses, XIII. Du faux
[3] Renaudot 2003 et roman de Philippe Claudel (Stock), remarquablement adapté au cinéma en 2005 par Yves Angelo avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret, Marina Hands, Denis Podalydès...
[4] « Que votre langage soit : Oui ? Oui, Non ? Non : ce qu'on dit de plus vient du Mauvais », saint Matthieu, chapitre 5, verset 37, comme en exergue de ce qu'est la Vérité

lundi 10 janvier 2011

Le plagiaire et la coquille



N'est pas un vain mot, l'écueil de la page blanche.
Métier : écrivain, scénariste, dessinateur, compositeur... ; point commun : l'imagination. Tout un travail d'esprit qu'il convient de coucher sur le papier, noir sur blanc, sans autre couleur que les rangs d'un tricot, avec ce que cela suppose de démaillages et de rebâtis.
En soi, l'imagination n'a rien de féérique, de virevoltante, bien au contraire. Elle paraît, s'impose, se visualise à nulle autre pareille ; je dirais que l'on écrit, scénarise, dessine ou compose avec ses neurones pour ensuite y mettre tout son cœur. Du champ purement conceptuel, elle s'enrichit rapidement d'un espace vagabond, d'un style qu'il convient de garder sous contrôle. Rien de plus malins que l'entourloupe des personnages d'un roman, l'académisme d'une phraséologie musicale sans surprise, le conformisme ahané d'une palette affadie. À mon sens, il n'est qu'une œuvre qui s'agrémente ouvertement du catalogue du temps jadis : la haute couture puisant ses ressources ici et là et les mariant à l'envi ; ce qui fait souvent dire que la mode n'est, de fil en aiguille, que l'adaptation démodée rapportée au goût du jour, aux courants, aux écoles et autres mouvements.
Pour le reste, en chaque création, il n'est que sa propre imagination, ses lacunes et l'asservissement de la différence : ne rien faire, ni ne devoir à l'autre ; se démarquer, créer, innover, ouvrir la brèche. C'est du moins l'image tenace que véhicule l'idée de grandeur ou de génie – pour autant, le génie existe.


Métalepse
Pratiquement, c'est entre la page blanche et la peur de ne pouvoir mener à bien sa création, à fortiori de paraître, que l'on en vient à toquer à la porte du plagiat. Mais le réflexe est vieux comme le monde, de copier sur son voisin.
Du nom savant de métalepse, il faut comprendre que ceux qui s'en tirent, ou pensent s'en tirer le mieux dans l'exercice de la copie sont les meilleurs arrangeurs possibles. Là où j'écris : « Un lièvre se prenait à danser avec les loups », le fin copieur dira quelque chose comme : « La meute s'amusa des facéties d'un drôle de garenne ». C'est un peu ce que firent La Fontaine (1621-1695) avec Ésope (VIe siècle av. J. C.) ou Tite-Live (59 av. J. C. - 17 ap. J. C.) ; Balzac s'inspirant des thèmes shakespeariens du Roi Lear (1606) pour son Père Goriot (1835) ; James Joyce (1882-1941) avec Homère (fin VIIe siècle av. J. C.).


Roca vs Waterhouse © Google images (cliquer)

Tout flatteur se voit soudain vivre aux dépens de ceux qui le lisent ; l'éloquence et la nouveauté se jouant admirablement du détour des ans.
Certes, si l'on considère que tout a été créé, on peut dire qu'il y a du plagiaire en chacun de nous ; imaginons l'incommensurable bibliothèque argumentée de son oralité depuis que le monde est monde, tous ces récits, cette patine. En fait, c'est davantage dans la manière de pondre que la pseudo-copie – pseudo par l'orgueil de croire soi-même en l'inédit de son affaire –, que la pseudo-copie se démarquera de l'immense production déjà couchée sur le papier. Accrochant au texte des hasards de fruits mûrs, quel écrivain ne s'est pas lui-même surpris de cette grâce divine qu'il doit à la création la plus basse ?
Giono s'inspire-t-il d'un terroir comme d'une plume à l'encre sympathique, Seurat trouve-t-il la lumière dans le frémissement de son pointillisme, Coco Chanel dans la libération du tailleur, que les assaillants n'y vont pas par quatre chemins quand le plagiat s'impose. Et même s'il n'est pas dans mon intention de dresser la liste des-dits plagiaires célèbres [1] – d'autres ont tellement mieux commenté la question –, force est de rendre justice aux floués monumentaux. Au premier rang desquels, sans doute, Antoine Léonard Thomas (1732-1785), poète clermontois à qui Lamartine (1790-1869) doit les deux vers qui lui ont conféré tant de renommée : « Ô temps, suspend ton vol », et « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Rien que cela.
Classé à la 22ème place des 100 meilleurs livres du XXème siècle, le roman d'anticipation de George Orwell, publié en 1949 et intitulé 1984 (dont l'adaptation cinématographique rapporta quelque 8,5 millions de dollars cette même année), doit quasiment tout à son illustre inconnu, le Russe Evgueni Zamiatine auteur de Nous autres (paru en 1920) [2]. La petite histoire retenant également que ce pauvre Zamiatine fut source d'inspiration pour Aldous Huxley et son Meilleur des monde (1932) et pour Ira Levin et Un bonheur insoutenable (1970). Rien que cela aussi.


Les enlumineurs de la Saint-Jacques
Nous sommes bien loin des copistes et autres calligraphes, initiateurs de quelques unes de nos plus belles coquilles ; à toute aune des corrupteurs, cela va de soi.
Ainsi, en l'abbaye d'Asello en Calabre, Martin le sculpteur grava-t-il au linteau du portail non pas « Porta, patens esto. Nulli claudaris honesto » (Porte reste ouverte. Ne sois fermée à aucun honnête homme), mais « Porta, patens esto nulli. Claudaris honesto » qui veut dire : « Porte, ne reste ouverte à personne. Sois fermée à l'honnête homme ». Bien le comble pour un monastère. D'où l'autre coquille qui s'en suivie « Pour un point, Martin perdit son âne ».
On cite également Malherbe dans sa Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille, auteur d'un « Et Rosette a vécu... » que le typographe rectifia en un trait de génie : « Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L'espace d'un matin ».
Tous ces scribes ont-ils contrefait le texte – quand bien même certains ont-ils pris le singe pour un signe, l'emprisonnement pour un empoisonnement – qu'ils n'ont en rien piller le temple. La coquille vouant plutôt au lapsus l'évidence de la plus parfaite amoralité : une fellation n'explique nulle autre inflation que celle d'une députée européenne particulièrement en verve.
Que dire donc des pilleurs ?


Rouges à lèvres © marcautret.free.fr (cliquer)


Raoul de la pillure
À l'heure de la création tous azimuts, et par l'exigence même du public, c'est à croire qu'ils entrent dans la grande coalition des dopés du Tour de France.
Des programmes de télé tous forgés sur le même modèle (Arthur plagiant son Craig Ferguson, des émissions de cuisine ou de déco en-veux-tu-en-voilà...), des rentrées littéraires archi combles (510 bouquins publiés d'ici à mars 2011), comment croire que dans tout ce méli-mélo ne se glissent pas les intrus de service ?
Sans compter la propre production dans laquelle nombre d'auteurs s'enferrent ; train de vie oblige. Avec huit signatures en 2010, PPDA avait-il d'autre issue que la contrefaçon [3] et le “ nègre [4] ” ? Calogero et Black-Eyed-Peas, condamnés par la justice, pouvaient-ils indéfiniment tenir le rythme sans donner dans le copié-collé ? Calquant l'histoire de Poncahontas et la rehaussant d'effets spéciaux à couper le souffler, le génie de James Cameron n'était-il l'Avatar de trop ? Idem pour les dialogues de Séraphine, film de Martin Provost, empruntant tout à l'ouvrage de l'anonyme prof' Alain Vircondelet ; la couturière Zara piquant tout de la collection Balmain Hiver 2010... [5]
Mêmes les hymnes font l'objet d'un piratage, c'est dire ! Celui du Parti socialiste « Il est temps », serait en fait une copie de « L'autobus à impériale », série anglaise diffusée en 1972 par l'ORTF... [6]
Mais au sommet de cet art (de la transcription et du fac-similé), citons l'espionnage industriel. Il n'est pas long de comprendre les colossaux enjeux générés par ce type de manœuvre, elle aussi, vieille comme le monde. Si tout ce serait passé comme prévu, les trois huiles récemment mises à pied par Renault-Nissan auraient normalement dû toucher le pactole en yuans et la future voiture électrique d'importation aurait eu plus qu'un air de famille avec la Française ; et tout le monde n'y aurait vu que du feu. Car, tant en matière d'automobiles que d'électroménager ou de multimédias (les tablettes, les mobiles...), rien n'est plus récidiviste que les échos périodiques des designers.


Le plagiat électronique dans les technologies de l'image et de la communication © Séverine Parent / Cégep Limoilou (cliquer)

Finalement, au jeu de l'espionnite et de la duplication, il n'est plus grande paternité qui ne s'y reconnaisse : les laboratoires pharmaceutiques se plagient pour une molécule, les hackers patentés tapinent pour un plantage de serveur, les démocraties usent de la même mondialisation et l'argent jouit de facultés es bonheur exportables. Vas comprendre, mon pauvre Raoul !

Raoul, faut dire qu'il est peintre, place du Tertre. Cracheur de feu, parvis Beaubourg. Montreur d'ours au Cirque d'hiver. Piano-bar, rue Mitaine. Enseigne vaisseau à l'Alpaga, quartier Latin. Raoul, c'est surtout un grand sentimental. Au zinc de La Mer' Loch, à trois plombes du Louvre, quand les bretelles lui tombent des bras, il purge sa peine. Pas un raide, le Raoul. Plat comme un hareng. Mauvais saur, mauvais siècle, mi-cave, mi-taulier, sa barque c'est son pédalo. Et pour pédaler, le Raoul, ça serait comme qui dirait une éponge, un ramasse-miettes modèle BHV 75, un cassoulet en plein McDo. Une tarlouze qu'aurait défroqué. Défroqué, c'est exactement ça. Un mec sans futal. Un absent, quoi.
Et comme disait Biraud :
« Je crois, docteur, que l'homme de Néandertal est en train de nous le mettre dans l'os. Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. » [7]
Va savoir ?




[1] N'importe quel moteur de recherche, tapez le nom d'un auteur notoire suivi de plagiat ou de sources, vous serez surpris
[2] La Kallocaïne ou l'opium du peuple, de la Suédoide Karyn Boyle (paru en 1940) servi aussi d'inspiration à Orwell (éditions Ombres)
[3] http://www.lexpress.fr/culture/livre/trois-exemples-du-plagiat-de-ppda_949665.html
[4] Bernard Marck éditorialiste d'Aéroports Magazine
[5] Yannick Haenel pressenti pour le Goncourt et le Médicis 2007 pour son livre Cercle (Gallimard) ressemblant furieusement à Forêt profonde (éditions du Rocher) d'Alina Reyes, et finalement prix Interallié 2009 avec son livre Jan Karski empruntant des pans de dialogues droit sortis de Shoah de Claude Lanzmann ; le journaliste du New York Times, Zachery Kouwe, reprenant à son compte des passages entiers d'articles parus dans Wall Street Journal, Reuters... (février 2010) ; Christian Audigier, couturier des stars, plagiant le sac Louis Vuitton ; Helene Hegemann, écrivaine et “prodige” allemande de 18 ans, recopiant des blogs (2010)...
[6] http://www.numerama.com/magazine/16163-l-hymne-du-ps-plagiat-d-un-vieux-generique-de-serie-tv-maj.html
[7] Maurice Biraud (François Jonzac) à Charles Aznavour (docteur Samuel Goldman) dans Un taxi pour Tobrouk, film de Denis de la Patellière, 1960, d'après le roman de René Havard

dimanche 2 janvier 2011

Tétrapode


Le plan-séquence est le suivant : moi dans mon canapé et le commentaire avisé d'un scientiste de France 5 pour ronron. J'ai pris ce Voyage aux origines de la Terre au hasard d'une pub sur TMC, et forcément j'ai raté les trois premiers milliards d'années !



Pépé lézard
La voix de baryton me dit que nous sommes au dévonien et je ne cherche en rien à la contrarier ; elle sait ce qu'il y a d'écrit sur le papier qu'elle lit sans accroc. Un poisson se balade dans les eaux primitives du Gondwana, Terre d'alors. Depuis quelque temps, un projet le taraude ; en fait, s'il tient à rester en vie le plus longtemps possible, autrement dit s'il ne veut pas finir comme ses congénères dans la gueule de plus gros et plus terrifiant que lui, son seul espoir : gagner la terre ferme. C'est ce qui se passe dans la petite tête de Panderichthys.
Patience, car entre le Frasnien (-385 Ma) [1] et le dévonien supérieur (-365 Ma), pas moins de vingt millions d'années à battre la nageoire ou ce qu'il en reste ! Largement de quoi se faire dévorer, mais aussi, de fil en aiguille, de quoi acquérir de réelles capacités pulmonaires, un volume encéphalique conséquent et la locomotion terrestre. La première bestiole à s'émanciper du milieu marin est un tétrapode répondant au doux nom d'Ichthyostega.
Ce serait, dit-on, l'ancêtre des mammifères, notre ancêtre.
Un reptile !


Ichthyostega © Wikipédia (cliquez pour agrandir)

Savoir qu'Albert Einstein ou le SDF mort de froid la nuit dernière descendent d'un lézard procure à l'être bien plus qu'une identité ou le scénario d'une série télé de type V. Notre arbre ne remontrait donc plus ni à Adam et Ève, ni à Homo sapiens, ni même à la Révolution française, aux templiers ; mieux que cela. L'Ichtyostega n'a pas posé la patte sur Terre qu'il ouvre notre généalogie.
Ainsi ai-je pour ascendance les couples Pierre-Simone, Pierre-Irma, Fernand-Jeanne, Jean-Marie, Gisbert-Adriana... et, comme tout un chacun (de Saddam Hussein, Sinatra, Watteau, Vercingétorix à Jeanne d'Arc en passant par l'Égyptien des pyramides, l'Australopithèque bipède ou miss France), les heureux couples de bonobo, de Proconsul hominoidea à 32 dents, d'Aegyptopithecus, de Carpolestes simpsoni, d'Eomaia, de Repenomamus, d'Hylonomus et finalement d'Ichthyostega en personne. Ce qui expliquerait, en partie, la salamandre du blason de François 1er ; mais en aucun cas notre trouille des serpents – Alors, on reconnaît plus pépé ?


Le jabot de Blake


William Blake par Thomas Philips

Le jabot de William Blake au firmament de sa notoriété n'arrête malheureusement pas le temps comme le laisserait supposer un regard tourné d'assurance. La belle affaire ! À sa décharge de ne pas connaître, ni même entrevoir, ce que furent réellement nos origines ; un jabot reste un jabot. Mais un Ichthyostega, non. Ça n'a de cesse d'évoluer. D'abord ça rampe, puis vient le moment où les pattes s'allongent. Au cénozoïque de son affaire, il y a 70 millions d'années, tandis que le cœlacanthe se refuse à quitter le milieu aqueux, il est un petit primate, disons entre le rat et le lémurien – certains s'y reconnaîtrons déjà.
63 Ma plus tard, il bazarde ses oripeaux simiesques, traversent des steppes, des savanes, épouse la jeune Lucy, mignonne hominidé d'Éthiopie et deviendra roi des Australopéthèque afarensis. En 400.000 avant Jésus-Christ, Jean-Jacques Annaud plante le décor de sa « Guerre du feu » en Terra Amata, non loin de Nice, et prend pour figurants et acteurs les descendants de Lucy et de son bel Homo Habilis, les Érectus du Paléolithique. Ils ne sont encore ni Néandertal (180.000 ans), ni Cro-Magnon (30.000 ans), ni proto-céramistes du Néolithique, ni Blake, ni vous, ni moi, mais ça viendra.


Les révélations de Max
Parce qu'il en a fait de belles, Ichthyostega, depuis qu'il s'est doré la pilule au sortir du bain. Et ce ne sont pas les paléogénéticiens de l'Institut Max Plank qui me contrediront. Du monde, des branches, il en a dispersé à tous les vents ; pire qu'Henri IV en période de brame.
Maintenant que l'on séquence tout des génomes de ceci ou de cela, c'est dire si les fossiles découverts ici et là en racontent des croisements, des métissages. Après nous avoir dit qu'il y avait du Néandertal [2] en nous, que 27% de nos gènes modernes seraient apparus durant « l'expansion archéenne » (entre -3,8 à -2,5 milliards d'années), les anthropologues évolutionnistes de Leipzig viennent de publier dans Nature [3] les résultats portant sur le séquençage du génome de l'Hominidé de Denisova.


Denisova hominin © eurosciences.net

Ainsi, la fillette des montagnes de l'Altaï au sud de la Sibérie – entre Kazakhstan et Mongolie –, dont l'auriculaire a été soumis à la question, nous apprend que à 4 à 5% de son génome vieux de 30.000 ans [4] se retrouve aujourd'hui chez les Mélanésiens (Nouvelle-Guinée et île de Bougainville comprises) [5].


Les paparazzi du Gondwana
Bref tour d'horizon pour dire que, si les Terriens d'aujourd'hui sont tous issus de trois à quatre branches (Néandertal, Homo sapiens, l'Homme de Florès et l'Homme de Denisova), leur métissage d'Afrique en Asie ou en Europe tendrait à aplanir bien des discordes. Que dire aussi du patrimoine génétique entre les races, dès lors que celui qui nous sépare des grands primates n'est que de 98% ; que dire alors de ce 100% gènes entre les humains ?
Si j'en reviens à mon lézard antédiluvien à qui les mammifères doivent leur existence, à fortiori l'homme moderne, ce n'est plus du 100% discursif ou relevant des sphères anthropologiques, mais belle et bien l'origine, notre origine – Je vois d'ici la tronche d'Hitler s'extasiant pour un Arien, comme je vois celle de qui se rend chez Botanic faire l'acquisition d'un iguane.
À la rigueur et à chercher la petite bête, « la part néandertanlienne chez les non-Africains actuels et l'héritage dénisovien chez les Papous pourraient-ils susciter des thèses racialistes » [6] – en quoi d'ailleurs l'homme aurait-il besoin de s'enfoncer si loin pour dénicher tel ou tel argument de sa haine ? –, que, sans notre bon vieux saurien du Gondwana, nous ne serions vraisemblable-ment pas là ou sous cette forme pour nous chamailler. Et dire que Panderichthys n'avait qu'un petit pois pour cerveau !
Davantage qu'une leçon de SVT, des émissions comme Voyage aux origines de la Terre n'ont pas leur pareille pour nous inviter à cheminer selon nos propres radicelles. Là où les linguistes justifieraient le lexème étymologique classificateur, l'ordre et la mesure, le paléoanthropologue, bien que certainement mû par des guéguerres intra-spécialistes, avance, quant à lui, avec des pincettes. À vrai dire, quand Ichthyostega est sorti de l'eau il n'y avait pas plus de vidéo surveillance que de paparazzi pour témoigner de leur cannibalisme. Et c'est même par ce que la Terre lui donne à lire, que l'homme de Max ou du Muséum s'évertue de déchiffrage, pièce après pièce, avec mille et un retours en arrière ; tout dans la nuance, la déduction méthodique.
Une chose est sûre : chaque organisme sur Terre provient d'ancêtres très éloignés. Nous ne serons donc jamais celui ou celle que nous pensions être.


Dura Mater du Connéen
Nos vues s'arrêtent-elles à notre nombrilisme, nos caprices, que l'Histoire de l'homme évolue sans chichis ni trop d'artifices. Au train où vont les choses, il n'est que deux scenarii possibles : ou ça passe, ou ça casse.
Ça passe et nous poursuivons notre chrysalide à grands renforts de sciences – on peut raisonnablement supposer ne plus perdre nos dents, venir très vieux, voyager autrement et plus loin... avec tout ce que cela sous-entend de “ déraisons ” et/ou de mutations. Ça casse [7] et la Terre se passe de nous. Elle se crée un nouveau Petit Prince, droit sorti d'un néo-Gondwana. Ce ne sont ni les idées ni les plaques qui lui manquent, il n'est que de creuser pour s'en rendre compte.
Mais combien triste serait-il de laisser à nos lointains descendants d'exhumer les fossiles de l'Ère du Connéen soi-disant supérieur, de les effrayer par notre apparence rebutante inscrite dans la roche des fonds marins ; dure-mère aussi superficielle que résistante. « Indignez-vous ! » [8]
De toute façon, pas mieux lotis qu'une Rome antique, une civilisation maya, nous ne serons jamais qu'une virgule dans le grand Livre.
Y' aurait comme un lézard !






[1] Noté aussi MA (!)
[2] 1 à 4% des gènes de l'Homme de Néandertal se retrouvent chez les Chinois Han, les Français, les Papous de Nouvelle-Guinée (source David Reich, Havard Medical School, également cosignataire de l'article paru dans Nature, voir note suivante)
(article payant du 23/12/2010)
[4] L'Hominidé de Denisova est contemporain de Cro-Magnon et de Néandertal, mais n'a aucune lignée avec eux
[6] Note précédente
[7] Six points de bascule majeurs ont été identifiés : la fonte des glaciers du Groenland, la panne du tapis roulant Atlantique, la disparition de la forêt amazonienne, la raréfaction des nuages de poussières du Sahara, le dégel du permafrost sibérien, l'arrêt de la mousson (sources Science & Vie n°1120, de janvier 2011)
[8] Du cri d'un grand résistant : Indignez-vous !, Stéphane Hessel, Indigènes éditions, oct.2010, 32 pages, 3€