jeudi 29 avril 2010

Les Enlumineurs



A l'origine, c'est une centrale nucléaire si sûre qu'on peut laisser barboter les enfants en bouée canard dans les eaux de rejet. A l'origine, c'est une digue que la mer peut toujours essayer de chahuter, autant donner un os à lécher à Homer Simpson.
A l'origine, celui-ci est un grand philosophe rapsodiant sur la vague, celui-là un économiste hors pair aux élans néo-baroques repris de tous.
Il y a toujours une origine et une fin. Le triste avec la fin, c'est qu'il n'y a plus rien. Ni marmot, ni nonos. Ça, c'est pour les gens normaux, la lambd' attitude de la France d'en-bas et d'au plus bas. Allez, pour le commun des mortels.
Parce qu'à tous ceux-là, pas si loin des Coupole, des Capitole, pérorent l'immortel Phénix renaissant de ses cendres, l'happy few d'une mode d'éternel recommencement. Indestructible clone, unique clown blanc sans cesse renouvelé.

Le Philosophe
Trop fort, le philosophe !
Trop in, trop conjugué de futur, de moi-je, de visions noctambules, de Houellebecq, d'Angot, de ce que Cornelius Castoriadis appelle à juste titre “ L'industrie du vide ” ; “ La société du spectacle ” du parodique visionnaire Guy Debord. Du vent, un grand coup de balai dans le ventilo, et la porte qui claque en pleine poire. Oui, vraiment trop fort le philosophe grisonnant, Latécoère de la re-dondance, siégeant en prince nonobstant des salons cossus.
Bernard-Henri Lévy au panégyrique de son imposture.
Dans son livre paru le 10 février dernier, “ De la guerre en philosophie ”, compilation de ses conférences tenues devant un heureux parterre de normaliens, le BHL en question y va de son réquisitoire à l'encontre de « ce fou furieux de la pensée », Kant soi-même. Admettons, c'est son droit. Sauf que sous le feu de sa dithyrambe enflammée, en rien éteinte à publication de son ouvrage, voilà qu'il brandit l'arme fatale, le glaive de la connerie pure, celui d'un certain Jean-Baptiste Botul. Sauf qu'à pourfendre les airs d'une allégresse hermético-suffisante, parfois le glaive vient à heurter la cloche. Et là, grande vibration : Botul n'existe pas !
Les huiles de synthèse Motul, oui ; Botul penseur, hélas non.
Toutes proportions gardées, dirons-nous, c'est un peu comme si le directeur-général d'Apple prônait l'usage du câble Wi-Fi devant une assemblée d'informaticiens.
Car non seulement Botul n'existe pas, pas plus que Rakmaninov-sur-Doubs ; non seulement il n'est en rien l'auteur de ces prétendues « Conférences aux néokantiens du Paraguay » (sic), n'ayant de vie que sous la plume fertile de son créateur Frédéric Pagès, journaliste au Canard Enchaîné, mais qui plus est, il se fendrait de bouquins aux titres pas piqués (retenez bien le second) : “ la Vie sexuelle d'Emmanuel Kant ”, “ Landru, précurseur du féminisme ”, “ Métaphysique du mou ” ; exit Google, dès lors qu'on tape Botul.
On en rirait malheureusement si BHL, roi de la biomasse, grenellique de l'éolien, olibrius de la Raison pure, n'était quelqu'un d'écouté. Au moins autant que Sa seigneurie de sedia gestatoria, l'invincible Jacques Attali. Et c'est grave ! Non pas tant pour Attali que pour nous, quand bien même n'en aurions rien à battre. Un parterre de normaliens, c'est pas rien, c'est pas du quidam de Prisunic – l'élite de demain à la Grand-veneur, permettez du peu.
Drôle de trame, monsieur Carné, drôle de drame.

L'Économiste
Trop fort, l'économiste ! Lui aussi, vraiment trop top.
La crise finie, on passe à une autre. Les plâtres à peine essuyés, et hop, c'est reparti. On réamorce la mèche et la gégène se remet en marche, un peu comme à chaque guerre. Ponzi soudain institué au rang de jeu planétaire : l'effondrement des premiers dominos financiers orchestré par une délinquance en cols blancs, et voilà ces mêmes dominos se ruer d'avalanche sur l'économie, et rapidement mourir en im-menses deltas sociaux insalubres.
A l'origine, il y avait un système. Le seul qui soit. Un grand système de brassage monétaire, sans argent, sans Monopoly, tout dans le virtuel, dans le ponctuel, l'instantané, le scriptural. Le monde réduit à une poignée d'ordinateurs sauvages ayant tous pognon sur rue, suçant ici, ponctionnant là, un jour mirifiques, maudits le lendemain, chan-geants, captivants, surréalistes. Le monde avec ses éminences (Soros, Icahn, Buffett, Slim, Arnault [1]...), ses gloires (Madoff, Stan-ford...), ses écuyers (Markopoulos, Volcker...), ses feux follets (Kerviel...), ses bastions (les paradis fiscaux, l'imbroglio des holdings), ses bulles spéculatives (une chassant l'autre) ; son hermétisme, lui seul moyenâgeux.
Mieux, au lendemain de tout cela, de l'effondrement programmé, sont apparus les croisés. Stiglitz intronisé Godefroy de Bouillon redresseur du consensus de Washington. Sus donc au pouvoir régulateur des marchés, à la nécessité de tenir l'État à distance, à la dérégulation et à la privatisation, au libre-échange ! Toutes ces idéologies dont se gargarisaient les sphères dirigeantes à grand coup de panurgisme. Ah, tous ces Nobel d'économie qui ruinèrent l'Économie mondiale en moins de deux... décennies !
Si encore nous nous en étions tenus là.
Mais feu de tout bois !
Les produits financiers rallument les brûlots de la grande usurpation phasmique : c'est cela l'arme de destruction massive, le profit des uns sur le dos des chômeurs jamais trop nombreux, des retraités voués au seul luxe d'être encore en vie, des actifs désactivés, des États endettés jusqu'à la moelle. Non, rien n'a changé, monsieur Stiglitz. Sagesse populaire qui dit, les mêmes en pire, voilà la feuille de route du nouveau Monde. Le cul-de-basse-fosse de la décrépitude d'un néolibéralisme spongieux comme une outre trop pleine. Ici des pans qui s'effondrent, là des démocraties qui vacillent, et toujours ce même mur de la honte, rageusement planté sur le A majuscule de son Argent. Icône d'un Bernie Ecclestone coulant la F1. Icône de la Grèce en faillite, de l'Islande à la ramasse, des suivants sur la liste.
Jadis les trusts, les capitaines d'industrie ; aujourd'hui les maquignons de l'impalpable, du scriptural en chemise. Et donneurs de leçons, “par-dessus le marché”, comme cet économiste de chez Natixis, Jesus Castillio, qui chante à tout va qu'on « est en phase d'invention » et qu'on se demande si, après la Grèce, on sera « capable d'avoir une position aussi ferme avec de grands pays comme la France si besoin est ? ». Le pacte de stabilité européen qui fixe une limite aux déficits nationaux ne servant quasiment à rien, les économistes de la Royal Bank of Scotland, quant à eux, le déclarent tout haut : « L'une des implications de cette crise sera de conduire à une perte de la souveraineté des États plus importante en matière budgétaire. » Ce que résume l'économiste de l'institut Bruegel, Jean Pisani-Ferry : « On a un dispositif de prévention [le pacte de stabilité européen], mais on se rend compte qu'il peut être contourné et est insuffisant. » [2]
Aussi naïf qu'un BHL, le JPF ?
Mais à cette grandiloquence de l'ab-surde, les États ont-ils seulement d'autres moyens que de faire sauter ce verrou et s'endetter ?
Quant à ceux de Natixis ou de la Royal Bank of Scotland, comment peuvent-ils laver plus blanc que la cravate qu'ils ne mettent même plus ? Natixis, renfloué par l'État français à hauteur de 5,6 milliards d'euros ; RBS, renflouée par le Royaume-Uni à hauteur de 20 milliards de livres Sterling. Natixis, coté aux alentours de 3,55€ en 2010 pour un prix d'introduction de 19,55€ en 2006. Idem pour RBS contraint de se délester de 9000 emplois. Et tout cela pourquoi ? Même pas se retrouver sur la paille ou à la porte, comme n'importe quel crétin qui coulerait sa boîte. Pour qui ? 49 millions d'euros que se sont partagés en 2009 les 400 opérateurs du Crédit Agricole (renfloué par l'état de 3 milliards d'euros) ; 500 millions, pour les traders de BNP-Paribas (renflouée en son temps de 2,55 milliards) ; 250 millions d'euros, pour ceux de la Soc Gé (renflouée de 1,7 milliard) ; 48 millions pour les 750 opérateurs de Natixis (exercice 2010) [3].
Dis papa, c'est comment qu'on fait trader ? Tu m'achètes un habit ?
Finalement, quai de la Rapine ou du haut des tours imprenables de la Défense, qu'ont-ils engranger de plus que nos grands-parents n'avaient au soir de leurs veillées ? Je ne sais pas, je me demande si le réchauf-fement climatique n'a quand même pas tapé trop fort sur le crâne de ces diafoirus à l'inconséquence méga-cata. Ces mêmes cowboys qui, dès lors qu'il s'agit d'ouvrir un crédit et sous couvert de lutter contre le blanchiment et les activités terroristes, vous dépouillent d'indiscrétion sans rapport avec la gestion du compte en question (en quoi le nombre d'enfants peut-il avoir de rapport avec une quelconque activité terroriste ?). Ces mêmes cowboys qui n'empêchent en rien les cinq millions de numéros de cartes bancaires dérobés par un seul mec sur Internet (qui sait, le mien ?), les CB clonées comme celles des 48000 touristes à Phuket, ou encore des chercheurs comme Ross Anderson (université de Cambridge), de pirater une Carte Bleue en s'insérant entre le terminal de paiement et ladite carte “empruntée”, puis en tapant n'importe quel code PIN pour s'affranchir de n'importe quelle facture chez n'importe quel commerçant. [4]


Le comble, on le voit, serait d'avoir affaire à un philosophe économiste... Un peu comme un Alain Minc, plagiaire notoire condamné, omni-scientiste des plateaux télé, capable à nul autre pareil d'habiter Rakmaninov-sur-Doubs, cité du regretté Botul, et d'exiger de la France, pourquoi pas de l'Euro-pe – ces gens reculent rarement d'exégèse –, les mêmes efforts qu'on demande à la Grèce, dans le but avoué de surfinancer la finance fondamentalement, perpétuellement et com-me par magie, intoxiquée. Non, n'est pas Marx ou Turgot qui veut.
Pour ma part – je ne sais pas vous ? –, j'ai beau n'avoir jamais mis les pieds en Malaisie, il me semble, quelque part, venir grossir les rangs des victimes du Moonfleet, allumés du cigare que sont ces contrebandiers de l'absolutricine décadence : nos superbes Enlumineurs. Et c'est un peu perturbant de savoir que l'info express qu'on lit dans les journaux, les magazines, sur Internet ou dans sa boîte email, n'est pas seulement pour les autres, mais qu'en plus ça n'aide en rien à digérer les couleuvres. On sait, et parfois c'est déjà trop. Peut-être cela qu'ils avaient nos aïeux des veillées : la sagesse de ne pas savoir.

[1] Club très fermé, s'en douterait-on, des 1011 milliardaires dont le montant cumulé des richesses s'élève à 3.600 milliards de dollars en 2010 (à comparer avec les 2.400 Md$ et les 793 milliardaires de 2009 ; souce Forbes
[2] Le figaro Patrimoine du 3 mars 2010
[3] Les établissements français ont consacré plus de 1,7 milliard d'euros aux bonus de leur 3500 opérateurs de marché en 2009, ce qui représente globalement 105.400 smicards sur un an (Les Echos du 3 mars 2010). Autres sources recomposées à partir du Parisien, du Monde, de Boursorama...
[4] securityvibes.com

1 commentaire:

  1. slt papa, ah la philosophie ça te ressemble bien : toujours tout relativiser ( enfin seulement que quand tu t'énerve pas après ton ordi ) bon ben je te laisse à tes ouvrages kissouilles :D

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