mardi 23 novembre 2010

Porn diaries

Journal au noir
d'un fou des Galapagos



Salmigondis : c'est le mot qui me vient, comme trépan des âmes grises, heures sombres à broyer du cul dans le luxe d'un écran jamais trop grand, jamais trop baveux ; écœurement dépassé. Absurdité.
Quelques temps auparavant, le mec se présente au vendeur, demande plus amples détails sur la machine, sur ses capacités, son pouvoir d'intrusion. Accès direct et toute une batterie d'encodages sans frontières. Sa machine à jouir, sa trayeuse à sperme encore plus performante que la précédente, et son disque externe de 400 gigaoctets offerts pour un euro de plus, tout ça lui va comme un gant sans capote. Allez, en quatre fois sans frais et la carte qui va avec, enlevé c'est pesé.

Salmigondis, aussi peu ragoutants que ces vulves offertes, elles, à tous le vents. Du gros gros dégueulasse dont on n'avait même pas idée. Pire qu'en leur temps les gargouilles des cathédrales, offertoires de la pensée la plus obscure, à cent lieues des vieux cinés d'autrefois où de pieux messieurs en érection s'offraient plans jaculatoires et ahans feints. À cent lieues de l'establishment le plus endurci, c'est dire.

À la lueur d'aucune lampe, dans l'office vaginal le plus complet, l'affaire faite, la machine referme son couvercle sur les terres ensevelies de la grande fracture.
Plus rien ne paraît en surface. Croissent même quelques fleurs, perce-neige et crocus d'aloi, cela va sans dire. Un peu de flocage, beaucoup de paraître, une verdure boutonneuse pour donner le change. Enfin presque. Il est toujours ici et là quelques crevées, sorte de déjections bouseuses aux coulées incertaines.
En ces antres putassières, la femme n'est plus l'être chéri, ce trait de voix qu'un fond de gorge retient d'émotions, cette immensité concentrée dans un grain de big-bang, ces yeux magnifiques qui donnent la vie. La femme n'est plus. N'apparaît-elle pas qu'elle se délite dans l'instantanée vision gélatineuse des porn diaries. C'est pire qu'une grossièreté, bien pire qu'une grivoiserie. C'est le XXL de l'infamie.

De tout temps, l'homme s'est donné le bon rôle : son éjaculation revêt l'aspect d'un tir de barrage, quelque chose de guerrier, l'écho d'une suprématie. Ce qu'on appelle le code entre mâles, certes. Les rires des comités restreints croisés au coin des rues, aux terrasses des bistrots, aux aires de pause café, c'est souvent cela. Et plus le travail est ressenti comme pénible, plus l'exutoire exulte. Y verrait-on le réflexe d'une poussée d'Archimède inversement proportionnelle à l'exigence de survie qu'on ne serait pas loin.
Peut-on pour autant passer sa vie à affranchir ses noirceurs au chapitre des confessions entre copains, que cela reviendrait sans doute à demander à quelque serial killer de disséquer le mécanisme de ses horreurs, à Tchernobyl de lever le voile de son dôme. Garde cela pour toi, l'ami, et ne fais chier personne. Laisse-moi te parler d'amour, de déception, d'enfermement si tu veux. Laisse-moi conter fleurette aux fleurs bleues affleurant à fleur de peau. Laisse-moi ouvrir la fenêtre et aérer.

Et puis l'amour d'un père ou d'un fils ou d'une enfant, Grande Bleue à perte de vue, ou champ de blés livrés aux tourbillons imparfaits de la gaucherie. L'amour aussi qui s'en revient de la grande souffrance, de la vérité crue, cent fois remise sur le métier. Qu'est-ce qu'un verre, un écran brisé ? Une faillite de plus, et alors ? Fous-moi tout ça à la poubelle, et revient-en fourbir de fourmis entre les doigts, de frissonnements vivants. Il n'est pas de donneur de leçon qui ne tienne, il n'est pas non plus de cul-de-basse-fosse disculpant de s'y traîner, prends seulement la plus pitoyable haie qui soit, couvre-la d'épines, de ronces, d'orties et mets-y un pinson ou un vieux piaf.
Sens comme ça vibre dans les vibrisses du lièvre qui lève sa bécasse. Prends un bon bol d'air, mais pas la bonne femme dans tout l'insensé des vilénies jamais satisfaites.
C'est cela que j'emmènerais sur une île déserte : l'amour et la vie. Il ne me viendrait en aucun cas l'idée d'accroître quelque détresse que ce soit par celle droit sortie de psychés malades.

Le sperme est la chance de ta vie. Sans lui, l'amour ne serait pas, toi même ne serais pas, l'humanité disparaîtrait. Il est un, indivisible et non corrompu, fruit exclusif de ce que ton cerveau lui donne d'être. Il n'y a pas d'un côté la blancheur plus blanche que la colombe et de l'autre son contraire.
Deux histoires pour finir.
Un jour, il prit à un grand navigateur de tester ce qui allait devenir le radeau de survie qui équipe aujourd'hui toute embarcation. Au milieu de l'Atlantique, son canot pneumatique reçut la visite d'un espadon qui creva l'un des boudins. Le docteur Alain Bombard – courageux naufragé volontaire, puisqu'il s'agit de lui – décida de colmater la brèche. Mais s'il avait bien de quoi faire une rustine, il n'avait pas de quoi la coller. Il fit usage de son sperme et put achever sa traversée.
Pareillement, sous nos contrées, il y a peu de chance qu'en t'approchant d'un arbre aucun oiseau ne s'envole aussitôt. L'espèce ayant assimilé dans ses gènes le danger qu'il pouvait y avoir à côtoyer la nôtre. Dès lors que l'on transpose la scène sur les îles Galapagos, la frégate, le fou, le moqueur ou le gravelot ne s'effraient pas et continuent leurs becquées comme si de rien était.


L'homme et le moqueur des Galapagos © portal.unesco.org

L'oiseau, c'est la femme ; la rustine, l'exception.

*

Quelques chiffres
En 2006, l'industrie pornographique mondiale a généré un chiffre d'affaires de 57 milliards de dollars, dont 12 [1] pour les seuls États-Unis (deux fois mieux que ABC, CBS et NBC réunis). Là-bas, et plus précisément à San Fernando, la Pink Valley californienne, il est créé 260 sites pornos par jour.
En 2010 [2] :
24.644.172 sites pornographiques recensés sur le Web, soit 12% de représentativité
Chaque seconde sur Terre, sur les 28.256 visiteurs, 3.075 $ sont dépensés dans le porno
2,5 milliards d'emails à caractère pornographiques sont échangés quotidiennement
25% de l'ensemble des recherches concernent la pornographie (68 millions de recherches par jour, dont 111.600 concernent la pornographie infantile)
35% des téléchargements concernent la pornographie
10% des visiteurs réguliers masculins avouent être « cyberporno-dépendants » et 13% de femmes disent mater des sites porno au boulot...
And so on.

[1]
agoravox.fr (3 milliards de dollars de chiffre d'affaires relevant de la pornographie infantile)
[2] onlinemba.com

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