samedi 1 mai 2010

Jabulani de la farce


A six semaines de la coupe du monde de foot et après m'être demandé si l'équipe de France passerait ou non le cap du Cap, le cap des poules de qualifications – dixit Ribéry – j'ai cherché à savoir ce qu'il en était du ballon proprement dit. Passera-t-il ou non, lui aussi, le cap de son argument ?

Officiellement



Officiellement, on dit qu'il sera de fond blanc habillé de quatre triangles colorés, inspirés de la culture Sud-Africaine. On prétend aussi qu'il sera pratiquement ce qu'il fut lors de la dernière Coupe d'Afrique des nations en janvier de cette année. Celui-là même qu'utilisent aujourd'hui les allemands de la Bundesliga – Adidas oblige. Et, qu'en fait, il ne serait pas si novateur que cela, en ce sens où des joueurs l'auront préalablement utilisé au sein de leurs clubs. De sorte que, les gazons synthétiques pas même posés, le ballon, désormais validé par la FIFA, y va déjà de sa prédominance. Peut-on dès lors se demander ce que serait le foot sans sésame vasouillard ?
Paraphrasant sir Beckham en présentateur agréé : d'un poids de quatre cent quarante grammes, variant seulement de 4,5 pour cents lors de fortes pluies, ce sera le premier ballon conçu par soudure thermique. Véritable prouesse technologique, le Jabulani – c'est son nom, qui veut paraît-il dire Fête en Zoulou – est composé de seulement huit panneaux 3D, formant un rond quasi parfait. Reconnaissable à ces cannelures et à sa surface « chair de poule » Grip'n'Groove, il nous promet, dit-on, de belles mains – exit mister H –, des tirs onusiens, des trajectoires obusières. C'est dire si les goals n'ont qu'à bien se tenir.


Objectivement




Objectivement, il sera ce qu'il a toujours été : une part du génie humain. Kopa et son cuir à douze panneaux fermés par lacets, Pelé et son Telstar noir et blanc de 1970, Platini et Tango, Maradona et son Azteca de Dieu, Ronaldo et son Fevernova de 2002, Pirlo et le Teamgeist de 2006 ; tous indissociables de gestes techniques inédits, de coups parfaits ; capables de faire basculer une finale, d'enflammer la planète. Ces gens-là sont des créateurs, ils portent leur art aussi haut et loin que Jordan, Lewis ou Bolt. Ils sont ce qu'ils n'auraient jamais été sans cette extraordinaire cohésion de l'usage et du don. Ils sont l'exception. Celui qu'on attend, qu'on nous promet et qui tarde ou s'attarde.


Les arénistes de la Finance

Car à tout regarder ou seulement entrevoir, qu'est-ce donc que ces jongleurs, ces attentistes, ces prétentieux, ces arénistes attitrés de la finance, tout juste bons à se vendre dans le Corriere dello Sport ou pour Gillette ?
4000 euros le Jabulani, quatre-vingt-quatorze millions d'euros un Cristiano Ronaldo figé dans ces impostures, à des années-lumière des premiers joueurs de soule, pas même gladiateur, toujours fatigué, toujours gueulard. On les connaît les tsarévitchs, les apparatchiks des sphères footbalistiques hautement loties, comme une kabbale qu'on nous sert à chaque fois ; jamais les mêmes, toujours pareils.


Ballon rond

Passés les cris, les fureurs, les emportements, la joie ou les pleurs, on enfermera Jabulani dans son écrin post-finale. Les équipes regagneront leurs vestiaires, leurs jets ou leurs puissants coursiers. Les scientistes de la science infuse diront, commenteront, se perdront en superlatifs et autres conjectures. L'arène se refermera et l'on se dira déçu, la tête bourrée de matches, mais foncièrement déçu. Quand bien même son favori aura-t-il remporté le trophée des trophées, quand bien même cela et la liesse qui va avec : on se sentira leurré, comme sur sa faim, clamant encore, plus ou moins secrètement, celui qui mènera le prochain Jabulani au-delà de l'extraordinaire, aux frontières du vrai don, limite invraisemblance et légende.
Car on le voit, même le ballon, Jabulani de la Fête, se la pète, joue les crevés d'avance. Et comment voulez-vous qu'il en soit autrement ? Il ne répond même plus aux lois de ce qu'il fut il y a peu, aux lois des simples solides de Platon, ainsi l'icosaèdre tronqué qu'il fut durant de décennies, invention d'un génial goal, Eigil Nielsen. Prenez vingt hexagones blanc, douze pentagones noirs et cousez-les ensemble : vous obtenez un vrai ballon ! Un truc pas très très rond, mais qui faisait quand même dire au mathématicien Euler, à la manière de Galilée s'extasiant sur la Terre : « Et pourtant, il tourne ! ». Euler dont la formule f + s – a = 2 reste vraie pour un vrai ballon (32 faces + 60 sommets – 90 arêtes = 2). Deux, comme un score sans appel, deux comme une belle cohésion, on l'a vu.
Planétairement connu, presque ignoré, il tournait vraiment rond, ce foutu ballon. Il partageait l'affiche d'un virtuose comme Garrincha ! Aujourd'hui, c'est autre chose, on l'encadre ; tout juste si on ne lui file pas la Légion.

1 commentaire:

  1. L'argent fou, l'argent roi, qui est le fou du roi ? qui est le roi du fou ?
    p

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